28 déc. 2010

Ploucland

Alors voilà.

Je te prie de me pardonner, lecteur chéri, lectrice adorée. Pardon de ne pas avoir donné de nouvelles depuis tout ce temps. Mais j'ai une bonne raison. Une de celles qui font que la prof principale admet qu'on ait pu rater la classe pendant une semaine.

Ma vie professionnelle a pris un virage au début du mois, emporté par le tempo, mon cœur balance de bas en haut.
J'ai été habitué à un environnement urbain, depuis trois ans, dans les rues de L. Je me suis conforté dans ce train-train de pollution en quittant L. pour P. le temps d'une grossesse. J'ai connu la vie paisible de C pendant plus de 20 ans. Puis le destin a fait que j'ai eu cette conversation avec R., fin novembre : (j'ai doublé mon R pour qu'on me distingue plus facilement)


R : J'ai une proposition à te faire.
RR : Ah ?
R : Voilà, on a besoin de quelqu'un à M. jusqu'au 2 janvier.
RR : Ah ?
R : Et je me suis dit que ça pouvait t'intéresser.
RR : Ah ? (Il m'arrive parfois d'avoir davantage de conversation, hein...)
R : Oui, et donc ? Tu es disponible ?
RR : Euh, je peux te donner ma réponse dans un moment ?
R : Dans deux heures ?
RR : Euh... Oui.


En fait, j'espérais secrètement qu'il me donne 24 heures de réflexion, ce qu'il ne fit pas.
Un peu mal pris, ce qui m'arrive parfois, j'ai accepté la proposition de R. Et me voilà à M.
Je m'attendais à voir des gens d'un autre temps, un peu bizarres. Et je regrette chaque jour d'avoir été aussi lucide.

À M., ce n'est pas que les gens sont moins intelligents, c'est que le monde est plus intelligent qu'eux. Il n'est pas rare de croiser une femme à moustache, n'ayant jamais eu écho de l'existence même du métier d'esthéticienne. Alors qu'il fait froid dans les rues de M., les charmants habitants portent fièrement leur bonnet, auquel ils n'ont pas pensé ôter l'étiquette. À M., il n'y a pas de Fnac, encore moins de Virgin, et même pas un malheureux Cultura. Le bitume est une patinoire, puisqu'à M., personne ne sort après 20 heures, donc les trottoirs ne sont pas salés. Et quand il n'y a plus de verglas, il y a des petits amas de neige pourrie qui croupit dans le caniveau.

Mon désarroi ne faiblit pas. Depuis que je suis à M., j'ai peur d'être devenu comme les habitants. Comme une sorte de Rhum Raisin gros et moche. Je n'ai même plus honte de me moucher en pleine rue. C'est dire si mon ego en a pris un coup.
R. m'a proposé de prolonger le contrat. Et prolonger le contrat, ça veut dire rester encore (et pour combien de temps ?) dans cette ville morne où l'ennui est l'occupation principale de chaque soirée.

Je suis soulagé d'avoir dit non.


(Mais au fait, c'est où M ?...)

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