8 mars 2007
Humide projectile
- - Excuse-moi, est-ce que tu as l’heure?
- - 13h30.
- - Pardon? (me rapprochant de sa bouche, pour mieux entendre)
- - 13h30.
C’est entre le sourcil droit et l’œil juste au-dessous de ce dernier qu’il a atterri. C’est au moment de l’articulation du chiffre treize, c’est-à-dire de l’écartement horizontal et fort peu naturel de la bouche, laissant plisser les yeux, que le postillon a jailli d’entre sa langue et ses dents du haut. Ce n’était pas une petite bruine, loin de là. Il devait y avoir plusieurs décilitres de salive coincée sous sa langue pour que j’en reçoive autant sur la figure. C’était un postillon énorme et violent comme une balle échappée d’un fusil, comme une éclaboussure après l’ouverture d’une canette de soda pas fraîche et bien agitée, que dis-je, comme une éjaculation récompensant cinq mois d’abstinence.
Comme je suis un garçon bien élevé, j’ai fait mine de n’avoir rien remarqué, et, bien que très dégoûté, je lui ai dit Merci.
4 mars 2007
Fête de la musique
Dehors, dans l’après-midi, les rayons du soleil s’échouant sur mes lunettes de soleil de star, le vent léger faisant voltiger les quelques centimètres de cheveux sur ma tête, les oiseaux titillant mes douces oreilles, j’avais envie d’être heureux. Le bonheur rhumanesque est indissociable de la musique. Je parle bien sûr de la musique que j’aime, pas de l’odieuse nouvelle chanson de Céline Dion, ni de la très fade nouvelle chanson de Calogero. Je parle de la musique qui transporte loin, qui fait rêver, celle qui donne envie de tomber amoureux. Ah, Mika…
Aujourd’hui dimanche, c’est la journée médiane entre deux événements télévisés musicaux majeurs. Vendredi, c’était la retransmission de la soirée des Enfoirés, exactement en même temps que le retour du chanteur blond platine à frisottis qui n’a, aux dires des fans, pas perdu sa voix, à Bercy. Bien sûr, je ne me suis pas payé la place pour aller voir le chanteur aux lunettes de mouche. Et donc, je me suis assis dans un canapé, et j’ai regardé Muriel Robin, Pierre Palmade, l’insupportable Gérard Darmon (à noter que dans ces trois-là, seul Pierre Palmade est au courant qu’il ne sait pas chanter) et leurs amis. Claire Keim m’a subjugué par la douceur de sa voix. Jean-Baptiste Maunier m’a gâché une bonne partie du plaisir. Patricia Kaas m’a ébloui par sa classe naturelle. Chimène Badi et Tina Arena ont définitivement les deux voix les plus puissantes des Enfoirés. Bénabar fut un exemple de simplicité et de modestie. Et Lââm a été remarquée par tout le monde grâce à ses cheveux couleur Casper-le-petit-fantôme. Néanmoins, j’avoue avoir un peu de mal avec cette reprise de Jean Ferrat, malgré le joli clip avec Nathalie Baye. Je n’ai qu’une question: à quand Vincent Delerm aux Enfoirés?
Bon, venons-en à l’autre événement télévisé musical. Mardi soir, France 3 propose Eurovision 2007 : Et si on gagnait. Et oui, et si on gagnait… Une telle utopie mérite un praïme taïme exceptionnel. Au cours de cette soirée, les téléspectateurs seront invités à dépenser des SMS surtaxés pour élire la chanson qui représentera la France lors du prochain concours. Les maîtres de cérémonie seront Tex et Julien Lepers. Si avec ça, l’audimat ne décolle pas, je ne comprends plus. Cette année, chaque chaîne de France Télévisions soumet deux chansons (et donc deux interprètes) aux votes du public. Extrêmement déçu par les représentants français depuis Jonatan Cerrada, je souhaite un tube pour la France cette année. Non, je ne soutiendrai pas le groupe le plus connu des candidats, les Wampas, tout simplement parce que la chanson Faut voter pour nous et du même genre que le We are the winners lituanien de l’an dernier.
Je refuse catégoriquement Jennifer Chevallier, Charlotte Becquin, et Valérie Louri car elles sont d’une banalité incroyable. Je ne veux pas non plus des Fatal Picards, car même si leur chanson est originale, leur nom fait un peu redondant après les Fatal Bazooka. Mon vote n’ira pas non plus aux Vedettes, si irrespectueusement heureuses de la mort de leur tendre papa. Je peux aussi citer brièvement Medi-T, BZR, et MAP, qui ne passeront pas les présélections, espérons-le. Non, j’ai une, et une seule, préférence: c’est Estelle Lemée et sa chanson Comme un rêve. Ce morceau aux sonorités sixties aurait fait les beaux jours de Lorie si elle était née en 1950. C’est sucré, acidulé, les paroles sont succulentes de mièvreries, et la musique est savoureusement kitsch. Cette chanson est faite pour gagner. Ça me rend heureux. Votez Estelle Lemée!
1 mars 2007
Imagine, rêve, danse, rêve encore, chante, rêve toujours, et surtout relaxe-toir
N°10 – Butterfly – Superbus – Comme tout bon titre, il arrive un moment où une chanson, aussi excellente soit-elle, lasse le public et passe moins souvent en radio. Et c’est normal, puisque si ce n’était pas le cas, NRJ serait toujours en train de diffuser Freed from desire. C’est la raison pour laquelle Butterfly rétrograde de 9 places dans ce nouveau Top ten.
N°9 – La liste – Rose – Nous avons là une chanson que les têtes pensantes de l’industrie du disque appelleront chanson à texte. Toutefois, c’est une chanson à texte que je qualifierais de léger. Rose énumère toutes les choses banales qu’elle aimerait faire tous les jours avec son amoureux.
N°8 – I don’t need a man – Pussycat Dolls – Je m’étonne moi-même d’intégrer dans mon classement une chanson des Pussycat Dolls, que je zappe pourtant régulièrement à l’entente des premières mesures de leurs morceaux à la radio. Mais celle-ci, je la trouve plutôt pas mal, avec des sonorités qui rapprochent parfois celles des chansons de Gloria Estefan.
N°7 – Elles demandent – Medhy Custos – A priori, cette chanson est très banale, limite mauvaise. Mais à force de l’entendre, je connais les paroles presque par cœur, et du coup, je chante, et du coup, j’ai appris à l’apprécier. C’est du zouk. Une chose étonnante: Perle Lama est citée dans cette chanson. Elles demandent fait donc un hommage à Perle Lama… J’en reste coi.
N°6 – I wish I was a punk rocker – Sandi Thom – La jeune chanteuse d’outre Manche fait toujours partie de ce Top ten, preuve que j’aime bien. C’est frais et rythmé juste comme il faut.
N°5 – You give me something – James Morrison – Cela faisait un petit bout de temps que je pensais à cette chanson pour ce classement, mais à chaque fois, dix titres lui volaient la vedette. Et pourtant, c’est un titre fort agréable, que j’ai mis du temps à dissocier de Last request de Paolo Nutini. Comme ce dernier a déjà été classé, il en sera désormais de même pour You give me something.
N°4 – À fleur de toi – Vitaa – Non, pour une fois, je ne me justifierai pas (parce que c’est quand même dur d’avoir des arguments parfois).
N°3 – Rejection – Martin Solveig – Musique de boîte de nuit, faite par un DJ. C’est plutôt sympa. Et le clip est aussi sympa que la chanson.
N°2 – Le miroir – Chimène Badi – Le deuxième extrait de l’album du même titre de Chimène Badi est un tube bien plus porteur que Tellement beau. Parlons d’abord des paroles: elles toucheront certainement les personnes qui ont parfois du mal avec leur image et leur apparence. Mais le véritable point fort de cette chanson est indéniablement la mélodie: c’est très rythmé pour une Chimène Badi qui nous réservera certainement, lors de ses futurs passages télé, de sublimes coups de cou sur le côté comme elle seule sait les faire.
N°1 – Relax (Take it easy) – Mika – J’ai comme l’impression que la surprise est un peu tombée à plat cette fois-ci… Là encore, comme pour la deuxième du Top ten, le point fort est la mélodie. C’est enivrant. Et tant que ma voix me permettra encore de suivre Mika dans ses aigus déraisonnés, j’adorerai cette chanson.
26 févr. 2007
Le courrier des lecteurs (Tome 2)
Charlène. de C.
Cher Rhum Raisin, je voudrais vous dire que je vous admire. En effet, je vous trouve courageux, et chaque jour, je me dis que j’aimerais bien avoir un peu de votre courage. Je perçois bien quelques lassitudes passagères et quelques déprimes occasionnelles dans ce que vous écrivez. Et pourtant, vous écrivez, régulièrement, comme si tout allait bien, tous les jours. J’ai, pour ma part, assez de mal à faire en sorte que le "paraître" aille bien lorsque l’"être" va mal. Or, pour vous, j’ai l’impression que même si l’"être" est triste, le "paraître" est assez fort pour que l’être ne se voie pas. Je vis très souvent des déprimes passagères, parfois longues, et j’ai beaucoup de mal à construire une vie sociale à cause de cela. J’ai vécu une histoire magnifique il y a maintenant plus de dix ans, et depuis que cette merveilleuse histoire s’est terminée, je ne retrouve plus goût à la vie. A la fin de cette histoire, c’est comme si le monde s’était écroulé autour de moi, me laissant seul, réalisant à peine que le bonheur éphémère était déjà consumé, et que je m’apprêtais à vivre une vie tellement moins belle. Je suis désormais presque dans l’obligation de survivre, et ceci est très difficile. Je suis contraint de vivre dans mon passé glorieux. Vous êtes une sorte d’exemple de sérénité pour moi, cher Rhum Raisin, et je vous remercie de me faire profiter de votre bonne humeur.
Adel d’Hétoubifry
En navigant sur la toile, ma femme et moi sommes tombés sur vos chroniques. D’après vos dires, vous êtes un jeune homme de vingt-et-un ans, vous êtes étudiant, et vous êtes mystérieux. Vous êtes exactement la personne que nous recherchons. Je m’explique. Nous sommes un couple qui s’aime, marié depuis maintenant vingt-cinq ans. Comme le temps passe vite. Parfois, dans un couple, la routine s’installe, le quotidien prend le dessus. Et à cinquante ans, on ne s’émerveille plus autant qu’à vingt-et-un ans. De ce fait, la passion entre un homme et une femme a tendance à s’éteindre sans que l’on parvienne à raviver la flamme. Les relations intimes ne reflètent plus la même lueur qu’autrefois. Toutefois, ma femme et moi savons que cette étincelle peut réapparaître. Pour cela, nous avons contacté un spécialiste qui nous a proposé de chercher ce qui pourrait exciter nos sens. Nous désirons ainsi connaître de nouvelles expériences et les partager ardemment avec une autre personne. Bien sûr, nous comprenons aisément que cette démarche puisse vous choquer, mais essayez tout de même d’y songer. Merci.
Jean-Jacques et Claudine de Nancy
23 févr. 2007
Rire et mourir
Bézu n’a pas chanté que ce tube. En effet, il est également l’interprète de dizaines de chansons festives à en faire pâlir Les Musclés, Licence IV, et autres Patrick Sébastien. Il a repris tous les standards de la vieille chanson française pour boire et faire la fête (Ah le petit vin blanc, Le clair de lune à Maubeuge, Frou-Frou…), ainsi que la plupart des plus illustres chansons paillardes (La digue du cul, Bali Balo, La bite à Dudule…). Mais je crois que rien ne vaut cet album datant de 2002, permettant aux novices en maths, à savoir logiquement les enfants, d’apprendre les tables de multiplication en s’amusant. Tiens, j’me ferais bien une ballade! Chouette, je vais me faire la table de quatre! Ça, c’est un album de qualité.
Mais voilà, le 3 février dernier, Bézu nous a quittés dans une indifférence quasi générale. Un homme profondément humain, certes instinctivement attiré par les soirées arrosées, mais gai, et heureux de vivre, s’en est allé. Même si la France aime dorer son image, et se vanter d’être la capitale mondiale du luxe et du raffinement, il ne faut pas oublier que Bézu, c’est aussi ça la France. Soyons aimables! Et son orchestre. (Oui, je sais, il n’y a pas vraiment de rapport, si ce n’est la fête, mais j’avais envie de la faire.)
21 févr. 2007
La puce à l'oreille
Je vous ai déjà parlé de Mika? Parce que je me souviens plus si je vous ai déjà dit à quel point je trouve son album formidable. Heureusement l’excellentissimissimissimissime Relax (Take it easy) passe de plus en plus souvent à la radio pour le plus grand plaisir de mes oreilles, surtout lorsque je suis dans la voiture et que je peux chanter à tue-tête. Mais il n’y a pas que ce titre, non, il y a aussi plein d’autres morceaux tellement sautillants. Bien sûr, d’habitude j’aime le mou. Mais en ce moment, je préfère quand c’est moins mou. Il y a une fraîcheur dans les chansons de Mika, du punch, une touche des sixties/seventies, et c’est absolument enivrant. Pour votre plus grand plaisir, qui est en fait surtout le mien, je vous linke ici son site officiel, même si je sais pertinemment que la majorité de mes lecteurs et trices n’exercera pas une pression particulière sur le bouton gauche de la souris sur le mot ici, qui est effectivement le même ici, et aussi ici, parce que mes lecteurs et trices n’ont vraisemblablement que faire de ce chanteur pétillant, et ainsi, le ici ne sera que peu rarement peloté par le curseur de la souris de mes lecteurs et trices, et c’est fort dommage.
Parlons alors de cette affiche si intrigante qui a fleuri depuis une quatraine de jours dans les abribus, sur les bus, sur les panneaux publicitaires, sur les vitres de bars, et dans le journal hebdomadaire gratuit de C., Info. C’est l’affiche du film Juste une fois!. On aperçoit sur cette affiche une grosse tête de jeune femme; jeune femme qui n’a en fait pas une plus grosse tête qu’une autre, mais sur cette affiche, si. Elle a un visage angélique malgré un œil coquin. Et cet index droit tendu sur la bouche est un signe qu’elle doit se taire. C’est comme lorsqu’en maternelle, nous jouions au jeu palpitant du roi du silence, où nous devions mettre le doigt sur la bouche. Je n’ai jamais compris pourquoi la surveillante, que je n’appelais pas surveillante à l’époque, et encore moins pionne, mais Cécile, puisqu’elle s’appelait Cécile, (et j’ose espérer qu’elle s’appelle toujours d’ailleurs, parce que je l’aimais bien, et donc je l’aime bien devrais-je dire), nous demandait de mettre le doigt sur la bouche pour faire silence; je suis toujours parvenu à émettre des sons malgré mon index sur la bouche, et cette dernière inévitablement un peu aplatie par ledit index. Je peux le dire maintenant à tous mes camarades qui croyaient que le roi du silence était un vrai jeu: Cécile vous a bien pris pour des cons! Mais revenons-en à ce film, Juste une fois!. Avez-vous lu ce qui est écrit en haut de l’affiche? Nous avons tous un secret… Le sien est encore pire! Avouez que ça intrigue. Premièrement, je ne peux pas laisser passer le Nous avons tous un secret.... Non, moi j’ai plein de secrets, pas qu’un seul. C’est quoi ces généralités? Je pourrais vous en citer de nombreux. Mais je ne le ferai pas. C’est vrai, j’ai déjà fait une digression dans le paragraphe précédent, je ne vais pas recommencer, là, maintenant, seulement pour parler de moi-même, même si cela reste mon sujet de conversation favori, bien que rarement abordé avec les autres. La deuxième partie de l’accroche du film est Le sien est encore pire!. Quel secret peut-être plus difficilement avouable qu’aimer regarder des films pornos, que pratiquer le jeu de la biscotte, qu’avoir déjà embrassé un mort? Non calmez-vous, ce ne sont pas des aveux de ma part (quelles horreurs!), ce sont des exemples de la bande-annonce du film. Puisqu’en effet, j’ai eu envie de regarder la bande-annonce de ce film. Elle est aussi frustrante que ce à quoi je m’attendais. On n’apprend absolument rien sur ce maudit secret inassumé. Je ne voulais pas chercher partout quel pouvait être ce secret, puisque je voulais aller voir ce film au cinéma, et avoir la surprise. N’ayez crainte, je ne dévoilerai en aucun cas ce fameux secret, pour les personnes qui voudraient aller voir ce film. Mais je suis quand même, petit curieux que je suis, allé me renseigner. Rien que l’affiche originale et le titre en anglais peuvent mettre sur la voie. Ce que je ne comprends pas c’est comment une affiche si "Bridget Jones", et une bande annonce si "comédie romantique" peut déboucher sur un sujet aussi répugnant. Je ne sais plus si j’ai bien envie d’aller voir Juste une fois!, même une fois. Parce que d’après ce que j’ai compris, c’est quand même dégueulasse…
18 févr. 2007
Cent-unième chronique
101…
Ça rime avec rien…
(- C’est bon, tu vas pas nous faire toutes les déclinaisons jusqu’à 200!
- Hein? Ah pardon. Je me reprends.)
Je n’étais pas plus triste que d’habitude, et pourtant j’ai presque eu envie de pleurer lors des quatre bandes-annonces qui ont précédé le film. J’étais assurément dans un autre état d’esprit que lorsque j’ai ri sans honte aucune, et même avec joie, vendredi à la bande-annonce des Vacances de Mr. Bean. Aujourd’hui, j’étais heureux d’aller au cinéma (ce qui ne veut pas dire que je n’ai éprouvé aucun plaisir à y aller aussi vendredi, puis samedi (ce qui fait donc un total de trois séances en trois jours, chose assez exceptionnelle pour être soulignée)), et je n’étais donc nullement prédisposé à être ému, ni à pleurer. Malgré moi, je sentais les larmes monter, même pendant les bandes-annonces (je sais, je me répète), et j’ai compris qu’il allait falloir faire preuve d’une grande concentration pour ne pas laisser ma sensibilité prendre le dessus, et ainsi bousiller quinze minutes d’étalage consciencieux de crème destiné à doter mon teint d’une luminosité parfaite, à cause d’éventuelles maudites gouttes d’eau salée dégoulinant de mes yeux.
Au début, le spectateur français typique, qui a décidé de son plein gré d’aller voir ce film, a forcément de la sympathie, peut-être même de l’admiration pour Edith. Ce n’est pas avec l’attachante Edith enfant que ce spectateur changera d’avis. Il se laissera entraîner par l’atmosphère de la rue, les bonnes goualantes, les passants qui jettent quatre sous à terre, la bonne humeur apparente de cette époque. Même lorsqu’une fille de joie du bordel grand-maternel se charge de la protection de l’enfant et de ses occupations quotidiennes, le spectateur ne pourra pas s’empêcher d’esquisser un sourire de tendresse. Abandonnée par sa mère, Edith mène une vie itinérante. Le film mise sur l’insouciance de la jeune femme, sa tendance à boire pour ne retenir que le meilleur de sa vie, l’euphorie, provoquée par elle-même, des soirées qu’elle passe en compagnie de ses sincères, et parfois moins sincères, amis. Certains seconds rôles ne sont pas exploités à leur juste valeur, mais qu’importe, puisque la magie des chansons transporte le film dans un autre temps.
Si le spectateur français typique voit Edith comme une sainte, il sera quand même un peu déstabilisé. Il supportera peut-être mal de la voir dans la sphère privée, avec un caractère fort, voire autoritaire. Il aura peut-être aussi du mal avec cette débauche, ces soirées arrosées, ces fougues amoureuses. Le film montre finalement relativement peu les beaux côtés du mythe Piaf, mais s’intéresse davantage aux excès de la femme torturée. Il relate, parfois avec peu de pudeur, souvent crûment, la façon dont Edith a détruit sa vie peu à peu à cause de l’alcool et de la drogue, et comment ce bout de femme s’est consumé plus vite que prévu, apparaissant alors, à l’hiver de sa vie, à 48 ans, comme une vieillarde. C’est à cause de l’intensité de ses chansons, celles qui me touchent particulièrement comme La foule ou Non, je ne regrette rien, que les larmes ont failli couler. Les flash-backs incessants tout le long du film sont une bonne idée, peut-être un peu trop récurrents, laissant le spectateur se perdre dans un labyrinthe, alors qu’il n’avait pas besoin de cela pour apprécier la polyvalence et l’ubiquité d’Edith. Le même spectateur se laissera volontiers guider dans la vie tumultueuse de la plus grande chanteuse française du siècle dernier, interprétée par une Marion Cotillard d’une ressemblance surprenante (merci les maquilleurs et illeuses), d’une justesse époustouflante, à mon grand étonnement, belle et touchante. La salle pourra sortir en se disant que, même sans les talons, Edith était une grande.