19 juil. 2010

Le retour aux fondamentaux

C'est avec un plaisir non dissimulé que je vous présente le premier vrai billet de ce nouveau blogue. Un nouveau Top Ten ! Les Archives de Rhum Raisin, c'est une sorte d'intégrale de l'oeuvre modeste de moi-même. Comme un best-of, mais avec, aussi, le worst-of, c'est-à-dire tout (tout, tout est fini entre nous...). Or dans un best-of, bien qu'il s'agisse, là, d'une intégrale avec changement de variable, il y a aussi des inédits. Dans l'idéal, avec le temps, les inédits dépasseront, en quantité, les articles déjà publiés ailleurs. Mais il est impossible de connaître l'avenir, même pour Françoise Hardy. Voici donc, en exclusivité intergalactique, le nouveau Top Ten.

N°10 - K'Naan feat. Féfé - Waving flag - J'ai honni la Coupe du monde de football pendant toute la compétition, et même avant. C'est pourquoi je ne découvre que maintenant cet hymne à la gloire des stades et de l'Afrique du Sud. Toute la communion et la ferveur des peuples réunis autour d'une passion commune, le foot, semble jaillir comme un geyser ou comme une canette de Coca light ouverte trop chaude. J'aime les chœurs du refrain.

N°9 - Jessy Matador - Allez Ola Olé - On reste dans l'ambiance festive et comme diraient les Magic System Ki dit mié ? Eh bien, en l'occurrence, Jessy fait mié ! Chanson qui bouge, totalement décontractée et agréable pour se déhancher en plein soleil.

N°8 - Joyce Jonathan - Je ne sais pas - Changement radical de style avec cette ballade au phrasé très intéressant. Il va de soi que les couplets m'offrent la possibilité de m'entraîner à avoir une diction et un débit de paroles absolument jouissifs lorsque l'on chante une chanson, presque au même titre qu'une Valse à mille temps ou qu'un Tout le monde a besoin de tout le monde.

N°7 - Scissor Sisters - Fire with fire - Ils reviennent avec une pochette d'album rigolote et il n'en faut pas plus pour me pencher sur leurs nouvelles chansons. Le premier extrait est Fire with fire. Assez entêtant. Efficace.

N°6 - Timbaland feat. Katy Perry - If we ever meet again - Katy Perry est obligée de trouver maints subterfuges pour avoir du succès, à côté de ses concurrentes, comme Lady Gaga, Lily Allen ou Kesha. Son featuring avec Timbaland a la qualité de contenir, dans ses rythmes frénétiques, certaines notes de belle mélodie.

N°5 - Coeur de Pirate - Ensemble - Elle est vraiment la révélation musicale francophone de ces derniers mois, à mes yeux. Même si on ne comprend qu'un mot sur deux à ses paroles, ce qui rendrait la tâche assez rude pour un candidat à N'oubliez pas les paroles ! qui déciderait de s'aventurer sur Comme des enfants, tout l'album est plaisant. Ambiance sixties, un peu seventies, mais archi-tendance.

N°4 - Chimène - En équilibre - Certains, au fil des ans, ajoutent leur nom à leur prénom. Chimène Badi, elle, l'a oté, même si ses passages en radio rappellent toujours son patronyme. Cette nouvelle chanson est un très bon choix pour la carrière de Chimène. Elle est tout en douceur, en sérénité, en équilibre. Le début du refrain rappelle un peu Et c'est le temps qui court, mais peu importe, c'est bien.

N°3 - Kylie Minogue - All the lovers - On reste dans la douceur absolue, malgré quelques rythmes pop et branchés. Je ne sais pas si c'est de la faute du clip, mais à l'écoute de cette chanson, on a juste envie de réaliser des fantasmes inavouables.

N°2 - Muse - Resistance - On est là dans le summum de ce qu'il est avouable d'aimer en 2010. C'est bien simple : si l'on n'aime pas Muse, on est ringard. Je ne suis pas fan. Mais cette chanson-là (comme dirait Michel Sardou), elle envoie ! Mélancolique, intense, puissante, lente et rapide. Du grand Muse, de la belle Musique.

N°1 - Shy'm - Je sais - Après des grandes pointures, comme du 45 Muse ou Kylie, voici une petite Française. Je ne peux m'empêcher de placer en tête du podium cette chanson terriblement bitch. Elle n'aura peut-être pas la chance d'avoir une renommée millénaire, mais elle est juste géniale à chanter à tue-tête, avec ce léger froncement de sourcils et cet air faussement autoritaire sur le refrain. Terriblement bitch, je vous dis.

18 juil. 2010

Quatrième de couverture

Alors parce que je t'aime bien, je vais t'apprendre la politesse. C'est avec des petites pastilles ovniesque que j'ai découvert Catherine Frot dans les années 1990. Catherine Frot nue officiait sur La cinquième et je regardais ses recommandations avec des yeux hébétés teintés de peur incompréhensible. Elle me donnait l'impression d'avoir aterri là par hasard et je ne décrochais pas de ses bonnes manières.

Ce texte n'aura pas de suite. Je le déclare, comme un Calogero qui invite Casimir à sa boum d'anniversaire (après tout, on n'est riche que de ses amis), c'est dit.

En revanche, ce blogue regroupera tous les écrits de Rhum Raisin. Ceux des chroniques de Rhum Raisin, ceux du Post, (pas les 3 sulfureux du deuxième), les nouveaux et quelques autres de la vraie vie. C'est peut-être un peu flou, ce texte, cher lecteur, chère lectrice, qui ne me connais pas. Laisse-toi guider.

12 mars 2010

Les Enfoirés manquent d'originalité

Ce soir, les Enfoirés vont s'énerver sur TF1. Auparavant, c'est à moi de m'énerver un tantinet.

Okay, le spectacle est toujours de plus en plus grandiose, peaufiné, habilement articulé. Okay, Jean-Jacques Goldman y est pour beaucoup dans cette mécanique a priori irréprochable. Okay, le concert est généralement réussi, malgré quelques participants un peu has-been dont le seul gros gala de l'année est précisément celui des Enfoirés. Okay, Jean-Marc Morandini annoncera probablement sur son blogue, demain matin, que TF1 a dépassé les dix millions de téléspectateurs.

Mais voilà. D'après mes statistiques, les chansons interprétées par les Enfoirés sont souvent celles des mêmes interprètes. Niveau originalité, les Enfoirés obtiennent ainsi une très mauvaise note. Comme je le fais chaque soir depuis le premier janvier 2010 avec plaisir pour les chansons de N'oubliez pas les paroles! (où Claude François est toujours, à ce jour, le chanteur le plus sollicité par les candidats), j'ai recensé toutes les chansons des Enfoirés depuis 1994. Avant 1994, les chanteurs des Enfoirés, notamment Eddy Mitchell, Véronique Sanson ou France Gall, chantaient principalement leurs propres chansons en duo ou en trio. En 1993, tout le concert était articulé autour des chansons de Starmania.

Les Enfoirés sont donc moyennement originaux quant aux choix des chansons depuis 1994. Nous parlerons bien sûr de manque d'originalité plutôt que de favoritisme de chansons... Loin devant, ce sont les tubes de Johnny Hallyday qui sont les plus interprétés. 40 chansons de Johnny en 17 ans! Voici les 20 interprètes les plus repris par les Enfoirés :

On remarquera plusieurs points :

  • 1 - France Gall est la seule femme parmi les 20 premiers : les Enfoirés seraient-ils un peu macho ?
  • 2 - Johnny Hallyday est le seul à avoir droit à au moins deux titres de lui chantés par an (deux fois plus que les deuxièmes ex-aequo). Et qu'on ne dise pas que c'est parce qu'il est le chanteur qui totalise le plus grand nombre de tubes. D'autres comme Georges Brassens, Serge Lama ou Jean Ferrat n'ont eu droit qu'à trois chansons en 17 ans.
  • 3 - Michel Polnareff est le premier chanteur non-membre des Enfoirés du classement: il totalise 16 titres.
  • 4 - Jean-Louis Aubert (et Téléphone) est très bien placé, extrêmement bien placé, trop bien placé. Alors que la majorité des Français est capable de citer plus de titres d'Aznavour que de Téléphone et Aubert, les Enfoirés reprennent chaque année au moins une chanson de feu le groupe ou du chanteur solo.
  • 5 - Claude François (16 titres) est le premier chanteur mort du classement. Il devance Joe Dassin (10 titres) et Jacques Brel (9 titres). Dans les 20 premiers, on notera l'absence de Dalida (6 titres), Léo Ferré (1 titre), Edith Piaf (6 titres), Mike Brandt (3 titres), Hervé Vilard, Barbara (4 titres) ou encore Serge Gainsbourg (8 titres) particulièrement boudés par les Enfoirés.

Bien sûr, vous allez me dire que certains chanteurs ne sont chantés que dans les medleys, donc n'ont pas le droit à beaucoup de secondes de gloire par concert. Voici maintenant la liste des chanteurs dont les Enfoirés ont honoré au moins trois chansons en entier depuis 1994:

Là encore, plusieurs points à observer:

  • 1 - Pratiquement chaque année, au moins une chanson de Johnny Hallyday est chantée au concert des Enfoirés : J'ai un problème (en 1996), L'envie (en 1997), Excuse-moi partenaire et Requiem pour un fou (en 1998), Derrière l'amour (en 2000), Noir c'est noir (en 2002), Allumer le feu (en 2003), Gabrielle (en 2005), Oh ma jolie Sarah (en 2006) ou encore Voyage au pays des vivants (en 2009).
  • 2 - Même chose pour Jean-Louis Aubert et son groupe Téléphone: Un autre monde (en 1994), La bombe humaine (en 2000), Ça c'est vraiment toi (en 2002), Juste une illusion et Voilà c'est fini (en 2003), Cendrillon (en 2004), Temps à nouveau (en 2005), Argent trop cher (en 2008) ou encore Au coeur de la nuit (en 2010).
  • 3 - Françoise Hardy, Zazie, Mylène Farmer et Barbara ont rejoint France Gall parmi les hommes. Dalida, Jane Birkin, Jeanne Mas et Edith Piaf ne totalisent que deux chansons entières chacune.

D'autres observations sont plutôt intéressantes:

  • 1 - En 17 ans, certaines chansons ont eu la chance d'être interprétées deux fois (vive la diversité!), par exemple une fois en medley et une fois en entier: Aimer est plus fort que d'être aimé, Cargo de nuit, Chez Laurette, Comme un garçon, Elle tu l'aimes, Emmenez-moi, J'te l'dis quand même, La corrida, Plus près des étoiles, Tomber la chemise ou encore On ira tous au paradis.
  • 2 - Certains chanteurs n'ont vraiment pas de bol puisque les seules chansons que les Enfoirés chantent d'eux, ce sont les mêmes : Mike Brant avec Laisse-moi t'aimer ou Jean Ferrat avec Aimer à perdre la raison.
  • 3 - Une seule chanson a été chantée deux fois en entier. il s'agit de Rockcollection de Laurent Voulzy. Version normale en 1997. Version avec modification des titres insérés dans la chanson en 2001.
  • 4 - Trois titres ont été chantés trois fois en 17 ans: La plus belle pour aller danser de Sylvie Vartan (dans 3 medleys), Pour que tu m'aimes encore de Céline Dion (dans 2 medleys et une fois en entier) et Je l'aime à mourir de Francis Cabrel (une fois en medley, une fois en entier et une fois avec plusieurs fois le premier couplet répété en styles de musique différents)
  • 5 - Certains faiseurs de tubes sont visiblement boudés : Sheila (seulement deux titres en medley en 17 ans), Axelle Red (pour qui il faut attendre 2010 pour entendre enfin une chanson - l'une des meilleures, certes), Georges Brassens (pour qui il faut attendre 2010 pour avoir une chanson en entier), Il était une fois (deux fois la même chanson en medley), Yves Duteil (une seule chanson en medley en 17 ans) ou encore Lara Fabian (une seule chanson en medley en 17 ans)
  • 6 - D'autres sont étonnamment matraqués: Jean-Pierre Mader a été chanté 4 fois, dont deux Macumba
  • 7 - Certains chanteurs populaires n'ont même pas eu droit à un seul titre interprété par les Enfoirés en 17 ans: Nana Mouskouri, C.Jérôme, Isabelle Adjani, Marcel Amont, Karen Chéryl , Mort Shuman ou encore Vincent Delerm.

Voici donc une petite liste de chansons qui pourrait faire partie de la playlist du concert en 2011, histoire de rééquilibrer le tout et de nous changer un peu de Hallyday, Aubert, Renaud, Bruel, Cabrel, Sardou et Goldman...

  • Quand tu chantes - Nana Mouskouri
  • Kiss me - C.Jérôme
  • Les mains d'or - Bernard Lavilliers
  • Tes parents - Vincent Delerm
  • J'y crois encore - Lara Fabian
  • Bleu, blanc, blond - Marcel Amont
  • Pull marine - Isabelle Adjani
  • Les copains d'abord - Georges Brassens
  • Tremblement de terre - Dorothée
  • Elisa - Serge Gainsbourg
  • Pour un infidèle - Coeur de Pirate & Julien Doré
  • Résidents de la république - Alain Bashung
  • ...

6 mars 2010

C'est tro-o-o-op

Je ne laisse pas passer le temps, c'est lui qui s'enfuit. La procrastination est la porte d'entrée d'un cercle vicieux. Le travail s'accumule. La fatigue aussi. L'absence d'envie s'installe. Les strates de poussière s'amoncellent sur ma table de nuit, les derniers posts datent, les tomates pourrissent dans mon frigo, le dernier Flop Ten est passé à la trappe et mon organisation laisse à désirer.

J'étais plutôt content de quitter C. il y a près de trois ans. Je savais que je quittais mon enfance, mais que j'allais y retourner souvent. Mais le nouveau tournant de ma vie est différent. Je quitte L. et je ne sais pas si j'y reviendrai souvent. Je pars pour un stage dans une autre ville, encore. Et pour bien compliquer le tout, cette ville est géographiquement encore différente. Trop à faire. Du coup, entre déménagement, prise de contacts et mémoire qui prend du temps, mes allers et retours entre C., L. et B. s'accélèrent.

Parce que oui, je pars à B., quelque temps.

19 févr. 2010

De la pareille au même

Ce matin, à l'école, troisième étage, L.

- Rhum : Merci beaucoup, Roudy*. C'est gentil de m'avoir dépanné. Je te rendrai la pareille.

- Roudy : Quel appareil ?

- Rhum : (Instant d'incompréhension) Ha ha... (rire)

- Roudy : Quel appareil ?

- Rhum : Bah... Je veux dire... Enfin.... Je te rendrai la pareille, c'est une expression...

- Roudy : Ah ok! (Silence) Mais pourquoi un appareil ?

- Rhum : Non, rien.

(* prénom modifié)

15 févr. 2010

French manucure

Soyons francs, la chanson française se mourut. Elle René renaît. Cette entrée en matière pour présenter le tout nouveau Top Ten est calamiteuse. Navré, franchement.

N°10 - Dingue - Emmanuelle Seigner - Toi qui as cru, un instant, que finalement, je trouvais la dernière chanson de Christophe Maé bien, rassure-toi, non. En revanche, Dingue, bien que pourrie, un peu, me plaît. C'est le syndrome Sandrine Kiberlain.

N°9 - L'envie et le dédain - Tété - Très bonne nouvelle chanson de Tété. Sans prétention et dans la droite ligne de son précédent album. Agréable et péchu, avec des relents de Sur la route de Gérald de Palmas.

N°8 - Rue des acacias - Marc Lavoine - Titre relativement tubesque, avec une litanie musicale plutôt sympathique à condition de ne pas l'écouter en boucle. En revanche, rien de bien novateur : c'est du Marc Lavoine pur-sang.

N°7 - Pas besoin de toi - Joyce Jonathan - À force de l'écouter, on peut se laisser séduire. La voix n'est pas très originale, la mélodie non plus, mais c'est largement écoutable, à mi-chemin entre Pauline et Elodie Frégé.

N°6 - Lala love you - BB Brunes - Délicieux.

N°5 - Ce qui me touche - Christopher Stills (Cléopâtre, la dernière reine d'Egypte) - Même si le couplet est musicalement faible, le refrain répond pleinement aux critères de mes goûts improbables, alors même que je ne suis pas une adolescente pré-pubère qui ne s'est pas encore révoltée contre ses vieux.

N°4 - Où je vais - Amel Bent - Définitivement l'une des meilleures chansons d'Amel.

N°3 - On se fait peur - David Hallyday & Laura Smet - La mélodie lancinante et entêtante permet au texte un peu plat de sortir de l'eau. Le coup médiatique aide beaucoup à l'appréciation de cette chanson loin d'être détestable.

N°2 - Du temps - Amandine Bourgeois - Ce deuxième extrait de 20 m² est meilleur que le premier, L'homme de la situation. Et il faut bien avouer que la voix de cette chanteuse est fort originale et plaisante.

N°1 - Pour un infidèle - Coeur de Pirate & Julien Doré - Je suis amoureux de cette chanson. Cette désuétude me ravit au plus haut point. J'éprouve un plaisir infini à l'écouter et à la ré-écouter inlassablement.

7 févr. 2010

Dans une bulle

J'aurais dû m'en douter dès qu'ils se sont assis trois rangs devant moi. À leur façon de rester plantés debout, tentant d'ôter péniblement leur manteau. À leur façon de se retourner difficilement derrière eux, et avec une discrétion digne des plus grands détectives privés, pour voir s'ils étaient les seuls à arriver en retard. À leur façon, enfin, non pas de s'asseoir sur leur fauteuil, mais de littéralement se vautrer dans les coussinets, comme si la pesanteur terrestre les avait écrasés en l'espace d'une demi-seconde. Et pourtant, mon cerveau n'a pas tilté. Puis le film a commencé.

Au bout de quelques minutes, il fallait se rendre à l'évidence: les gens de devant étaient différents. Les murmures dans la salle se multipliaient, au fur et à mesure que le héros du film grandissait. Se détachait parfois un élégant «C'est des gogols ou bien?» venu de derrière moi. Puis un instant plus tard, on a pu distinguer un non moins élégant «C'est quoi ces débiles?». Jusqu'à entendre un discret, mais perceptible, «Vos gueules les triso».

Trois handicapés mentaux (appelons-les Firmine, Simon et Andréï) s'étaient donc installés dans la même salle de cinéma que la mienne, à trois rangs de mon fauteuil. Et alors ?, me direz-vous. Rien, si ce n'est qu'ils ne faisaient rien pour maintenir le silence propice à l'appréciation d'une séance de cinéma, ni, donc, pour préserver la quiétude des autres spectateurs venus rentabiliser le prix du ticket.

Lorsque le héros du film passe à l'âge adulte, Simon commença un monologue parfaitement audible pour le reste de la salle. Il récita la biographie du héros, en rappelant bien que c'est en 1947 que la scène se déroule, parce qu'il a toujours en tête l'idée de devenir un grand peintre. Puis la narration continue. Soudain, quelques passages du film sont un peu subtils et un peu drôles, mais les rires particuliers d'Andréï ont désarçonné une partie du public - dont moi - si bien que je ne me souviens plus si je riais pour les scènes du film ou pour les dits rires. Andréï, à chaque fois que l'histoire prétait à sourire, que ce soit avec Brigitte Bardot ou avec Bruno Coquatrix, lâchait un rire un peu niais dont il semble avoir seul le secret. C'est ce genre de rire que l'on se surprend à sortir seul devant sa télé lorsqu'on ne s'attend vraiment pas à rire et qu'un programme ou une réplique vous étonne à être comique. Eh bien, là, Andréï a ri d'un rire comme ça. Sauf qu'il n'était pas seul chez lui. C'est là que mon voisin, inconnu de moi, a ri aussi. Puis nous avons ri, gênés. Cinq longues minutes.

Je ne me moquais pas, non. Le rire nerveux n'est pas de la moquerie. J'ai longtemps fréquenté des trisomiques - même si Firmine, Simon et Andréï n'en étaient pas - et quand on les connaît, quand on leur parle, il ne vient même pas à l'idée de rigoler. Cela dépend peut-être de leur degré de maladie ou de leur niveau de développement intellectuel, mais ceux que j'ai rencontrés pouvaient tenir une petite conversation. Je connais aussi des handicapés mentaux. Et j'ai toujours été frappé par leur incroyable mémoire. Je comprends donc facilement pourquoi Simon continuait parfois de réciter la biographie du héros du film.

À peine le fou rire calmé que Firmine décida d'en faire des siennes. Un film de deux heures dix étant sans doute un peu long, l'envie de faire pipi a quelque peu perturbé l'assiduité de Firmine. Lorsque le héros se remettait timidement de sa rupture avec la star, Firmine montait et descendait les marches sur les côtés de la salle afin de trouver la porte d'entrée, et donc de sortie. Mais plus l'envie pressait, moins elle trouvait la porte. Sa cadence s'accélérait et les spectateurs ont pu la voir passer deux ou trois fois sous l'écran avant qu'elle se décide à demander de l'aide à quelqu'un. Heureusement, cette personne l'a probablement menée jusqu'aux toilettes, nous permettant de profiter de la fin du film. Ajoutez à cet épisode épique les commentaires avisés de Simon et les rires improbables d'Andréï, et vous obtenez un trou de mémoire d'au moins vingt minutes dans le film. Juste le temps de remarquer que Lucy Gordon ressemblait plus à Carla Bruni qu'à Jane Birkin.

Les spectateurs présents dans cette salle - la 5 - ont peut-être été irrités par ce parasitage impromptu. Je pense avoir davantage ri que s'il n'y avait eu aucun élément perturbateur. Et du coup, cette Vie héroïque m'a plu, enivré par la détermination gauche d'un héros et l'insouciance naïve de trois spectateurs.