J’aurais pu mourir le 25 août dernier. Il semble que je n’ai absolument rien écrit sur Le Post depuis cette chronique-là. J’aurais pu me noyer dans le Rhône le temps d’une baignade interdite ou sauter par la fenêtre dans un excès de folie téléphonique. Or, rien ne changeant sur la page d’accueil, le quidam infidèle que tu es, lecteur, lectrice, n’aurait jamais pu imaginer ma mort. Tu aurais pu écrire un commentaire humiliant mes écrits, moquant mes points de vue, critiquant mon esprit, croyant faire de l’humour, ne sachant pas mon éventuelle nouvelle situation six pieds sous terre.
Lorsque Michael Jackson meurt, son nom est sur toutes les lèvres. Avant même l’annonce officielle de sa mort, les plus sérieuses chaînes d’information sont aux aguets d’une éventuelle confirmation. Le quelconque petit lutin réveillé par son radio-réveil le 25 juin 2009 connaît dès potron-minet le tragique destin de la plus grande star du monde. Il est mort. Les répétitions de son concert-retour-événement-qui-n’aura-jamais-lieu sont portées à l’écran. Le chanteur-danseur sera omniprésent sur la scène médiatique durant de nombreux mois. Impossible de passer à côté de sa disparition.
Deux poids deux mesures.
Lorsque Filip Nikolic des 2 Be 3 meurt, point d’édition spéciale sur les chaînes d’information. Internet relaie la nouvelle. Sa disparition fera l’objet de 20 secondes en fin du journal de 20 heures de TF1 et de France 2 et une petite brève dans les quotidiens du 17 septembre 2009. L’indifférence des médias poussera le vice jusqu’à écorcher son « Nikolitch » en vulgaire « Nikolique », quand ce ne seront pas des plaisanteries déplacées sur le supposé manque de prestige de sa carrière. On peut aisément faire le même raisonnement intellectuel à propos de la mort d’un Patrick Swayze, voire, et c’est dans une mesure encore plus cruelle, d’un René Morizur des Musclés. Il n’empêche que dans le cœur d’un garçon de mon âge, Filip Nikolic tient – au moins – la même place que Michael Jackson. Parce que les 2 Be 3 font partie de mon Top 5 des artistes de référence qui m’ont accompagné dans la vie.
Trois poids trois mesures.
Et puis il y a les autres. Les autres gens qui meurent dans l’indifférence générale. Parlons de moi, une fois n’est pas coutume. Je pense régulièrement à ce jour où je mourrai. Peut-être arrivera-t-il plus vite que prévu. Et dans ce cas-là, qui pourra t’indiquer, lecteur, lectrice, que je suis parti ? Personne. Tu attendras une nouvelle chronique, jour après jour, qui ne viendra jamais. Il est possible que tu attendes une semaine, un mois, un trimestre. Puis tu te lasseras, et tu oublieras Rhum Raisin. Puis quand tu y repenseras, dans un flash mémoriel inconscient qui surviendra étonnamment lorsque tu apprendras, à la radio, la mort de Lara Fabian, en 2052, tu te diras sûrement Quel connard, au fait, ce Rhum Raisin, il n’a jamais dit au revoir, il n’a jamais laissé signe de vie. Et pour cause.
Je profite donc de ma mort qui aurait très bien pu se produire, déjà, dans ma jeune vie pour instaurer un code entre toi et moi, lecteur, lectrice. Si je suis vivant, que je n’écris rien pendant de longs jours et que je n’ai pas fait mes adieux publiquement, je m’engage à donner un signe de vie le jour de mon anniversaire. Evidemment, si ma dernière chronique date du premier février, il va falloir vivre dans le terrible doute pendant un an, en attendant patiemment le signe de vie qui te fera plaisir. (Bon, en vrai, il existe d’autres moyens pour connaître mon état de vie; me contacter, par exemple). Si rien n’est publié ce jour-là, tu pourras alors en déduire la sinistre vérité.
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