Quelle nuit affreuse j’ai passée ! J’ai eu des sueurs froides (et même des sueurs chaudes parfois, dues au réchauffement de ces sueurs froides coulant sur mes tempes).
Il était 00h07. Or, à 00h07, j’ai davantage peur qu’à 00h08, ou qu’à 00h06, parce que le 7 n’est pas un chiffre rassurant (oui, il est le chiffre parfait, choisi pour les choses étranges : les 7 péchés capitaux, les 7 merveilles du monde, les 7 boules de cristal, les 7 nains, ou encore les 7 doigts de la main). J’ai entendu deux bruits secs et puissants, brisant le silence nocturne. J’ai d’abord cru à des flatulences démesurées de mon voisin G, dormant, comme moi, la fenêtre ouverte, mais il n’en était rien. J’ai donc du me rendre à l’évidence : les deux bruits secs étaient des coups de feu…
J’ai paniqué (en un seul mot). Je me suis dit : Mais que me veut-on, à moi, Rhum Raisin, moi qui ne ferais jamais de mal à une mouche (sauf si je suis avec ma tapette) ? Puis j’ai réalisé que ce n’était sans doute pas à moi qu’on voulait s’en prendre. Je suis alors sorti dans la rue. Il n’y avait personne dehors ; tout était calme. Pourtant, j’entendais un bourdonnement sourd, comme une voix d’homme, à peine perceptible. Je ne comprenais pas ce que la voix disait, ni d’où elle venait, mais je sentais bien que c’était un appel au secours… Il faisait noir, j’étais seul, et donc pas très à l’aise. Puis j’ai vu un homme, allongé par terre. C’était un SDF qui avait été attaqué ; j’étais très nerveux car il y avait un message sur lui et un pendentif bizarre : Quoi ? Pourquoi moi ? Qui ? Mon Dieu ! Le Zodiaque ? Mathias Rousseau ? Il y avait une feuille, format A4, à l’intérieur de son manteau beige, où il était écrit :
Pour sauver ce SDF, il faut satisfaire la personne rusée.
Et là, je me suis dit que j’aurais mieux fait d’avoir lu les aventures de Sherlock Holmes, le père de Katie, et donc, le beau-père de Tom, dans ma jeunesse, pour comprendre cette énigme. J’ai demandé de l’aide à Tintin, mais son portable était en vibreur, et comme il était en boîte pour fêter les 30 ans de Bison futé, il ne l’a pas entendu. Je m’en suis souvenu, et ça a fait tilt : qui est futé ? Le bison. Et qui est rusé ? Le renard ! Mais qui était alors cette personne rusée ? Déduction rhumanesque : Mme Renard, soit Colette Renard ! Et là, montée d’adrénaline, poussée de sueurs froides : qu’est-ce que « satisfaire la personne rusée » pouvait bien vouloir dire ?
J’ai pris mes jambes à mon cou, et me suis rendu à Marseille avec mon vélo et mes roulettes sur les côtés. C’était très long, mais je suis arrivé à destination. Evidemment, le quartier du Mistral était tout endormi, mais j’ai quand même sonné à la première porte qui se présentait, car je me rappelais plus où Rachel habitait. Mélanie m’a ouvert. Excusez-moi, je suis Rhum Raisin, et je cherche Rachel. Elle m’a répondu : Ah non ! Ici, c’est Total ou Esso, on n’a pas Shell. Elle est pas un peu cruche, cette fille ? J’ai sonné à une autre porte, mais c’était chez Charles Frémont, et quand il a ouvert, il était nu parce qu’il a chaud la nuit. J’ai pris peur et me suis enfui en courant. Je suis alors allé sonné à une autre porte : c’était Luna. La pauvre, elle était un peu dans la lune (je rappelle que mon histoire se déroule la nuit) et a cru que je voulais l’agresser, et a donc appelé Guillaume, alors je me suis enfui à nouveau. Têtu, j’ai insisté à une nouvelle porte. Thomas a ouvert. Je lui ai dit : Excusez-moi, où pourrais-je trouver Rachel ? Je dois la satisfaire. Il m’a dit : Viens me satisfaire d’abord. Mais, moi, je ne voulais pas. Il me fait peur, ce type ! Moi qui croyais que dans ce pays, la vie est tellement plus belle, je me trompe ! Thomas a ajouté : Mais c’est parce que tu ne connais pas bien ce pays ; moi je peux tout t’expliquer en détail si tu veux bien rester avec moi… Dans la cité du bonheur, on ne sait pas ce que veut dire « avoir le cœur brisé », on a oublié les soupirs, les regrets. On passe sa vie à être heureux, comme tous les amoureux, et on ne devient jamais vieux dans le ciel bleu… Si tu veux un jour, toi aussi, connaître ce pays, donne moi la main, embrasse moi et suis moi. On se retrouvera tous les deux, comme tous les amoureux, on n’aura plus, sous le ciel bleu, qu’à être heureux ! Mais moi, je ne voulais pas entrer dans cette cité du bonheur avec lui. Je l’ai giflé, pour l’assommer, puis j’ai mis mon index droit et mon majeur droit dans ses narines et l’ai fait virevolter de la même manière que Patrick Sébastien fait tourner les serviettes. Puis je suis parti. C’est en errant que j’ai croisé Rudy (l’homonyme du petit cochon), qui était sorti boire pour oublier, et qui m’a conduit chez sa Mima, pour enfin rencontrer Rachel. J’ai sonné à la chambre de Rachel et lui ai dit : Voilà, je suis Rhum Raisin, je suis là pour vous satisfaire, pour sauver l’homme presque mort en bas de chez moi. Elle avait l’air abasourdie et me répliqua : Oh, mon garçon, tu dois faire erreur, je suis très hereuse comme je suis ; tu as du faire un mauvais calcul, je ne suis pas la personne que tu recherches…
Comme d’habitude, mon hypothèse s’écroule : évidemment que j’ai fait un mauvais calcul. La solution ne se trouve pas chez Colette Renard, mais chez Bertrand Renard, le monsieur « chiffres » des chiffres et des lettres. Il fallait alors aller à Paris, avec mon vélo. Mais j’ai mis longtemps car on m’avait volé ma selle. Et donc, sans selle, c’est plus douloureux. Je réveille Bertrand Renard, et lui demande comment le satisfaire. Il me répond qu’il bute sur un compte :
100 - 5 - 25 - 3 - 6 - 2 pour trouver 108
C’était très simple :
5 + 3 = 8
100 x 8 = 800
800 – 2 = 798
798 / 6 = 133
133 – 25 = 108
Et le compte est bon ! Pourquoi faire simple quand on peut faire compliqué ?
Il m’a remercié chaleureusement, et m’a donné le remède miracle pour sauver le SDF.
De retour à C, j’ai soigné le mourant avec le remède miracle, et depuis cette nuit, l’homme qui n’avait pas de maison est devenu mon ami.
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