Pardonnez-moi pour ce titre mauvais qui ne reflète absolument pas mon état d’esprit. Pardonnez-moi aussi de commencer cette chronique par la formule "Pardonnez-moi" qui ne reflète absolument pas l’état d’esprit dans lequel se trouve chacun des membres de la famille Bougon.
Parce que oui, j’ai regardé Les Bougon, hier soir, sur M6. Il faut dire que les critiques étaient tellement dithyrambiques qu’elles m’ont quasiment forcé à regarder les péripéties romancées de cette famille assez antipathique. La concurrence était pourtant rude à la télé hier soir. Mais mon intérêt pour Sœur Thérèse.com n’a pas fait le poids ; bien que le titre du premier épisode de Cold Case, affaires classées me rappelait l’un des tubes les plus improbables de l’été, je n’ai pas zappé sur la 2 ; alors que le prochain album de Lara F. se précise et risque de comporter une reprise d’Edith P., je n’ai pas eu envie de me pencher sur Les stars chantent Edith Piaf pour Plus de vie ; je n’ai jamais lu XIII et n’ai pas eu la curiosité de visionner la version télé sur Canal+. Je me suis donc rabattu sur M6 et ses Bougon, qu’on écrit sans s puisque c’est un nom de famille, de la même manière que les membres de ma famille s’appellent les Raisin, et non les Raisins.
Une association de Bougon – de vraies gens qui s’appellent vraiment Bougon – vient de voir le jour en France, sous prétexte que la nouvelle série de M6 portait atteinte à leur nom. Et il faut bien reconnaître que les Bougon de M6 ne font pas particulièrement honneur au patronyme Bougon, à l’instar des messieurs Leneuf il fut un temps. Les Bougon de M6 sont une famille que l’on pourrait qualifier de détestable. Le ressort comique de la série est qu’ils sont tous détestables. Impossible de faire le détail. Le bougon style, c’est un tout indissociable. Le postulat de départ – postulat à partir duquel chaque entité de la France du bas ne devrait avoir aucun mal à s’identifier – est que les Bougon sont de réels loosers. Des loosers qui ne travaillent pas, qui sont déconnectés des réalités de la vie parce qu’ils n’ont pas assez d’argent pour se payer une vie sociale, qui sont gros parce qu’ils ne mangent que des pâtes et boivent de la bière, et qui en sont réduits à se prostituer pour gagner une misère. Oui mais voilà.
Les Bougon ne sont pas vraiment des loosers qui pourraient attendrir le téléspectateur lambda, ni même le téléspectateur sigma ou le téléspectateur epsilon à qui l’on pense beaucoup moins souvent. Ce sont des loosers-winners. Ils parviennent à transformer leur misère en force, jusqu’à profiter bassement de la société, jusqu’à la sucer jusqu’au sang. Et c’est précisément ici que la famille Bougon devient une plaie infectée de pus. Au gré de magouilles, mensonges et abus en tout genre, la famille Bougon perçoit une quantité pléthorique d’allocations et de subventions, le tout sans travailler, et sans appartenir à la France qui se lève tôt. Chez les Bougon, se procurer ordinateurs, cédés, aller au resto gratuitement, c’est de la gnognotte quotidienne. Le père – tendrement surnommé le gros par sa femme – n’a aucune morale, tout comme son fils – le véritable gros qui boit de la bière au petit déj’ – et qui rote à table pour rendre hilare les convives. Sans oublier la fille Dodo qui ramène chaque nuit de quoi passer du bon temps. Cette famille à la moralité déplorable joue chaque jour de différents stratagèmes pour feinter et duper le reste du monde, en faisant passer le propriétaire de leur maison pour un salaud, en payant des pots de vin à la dame de l’ANPE, en irritant les patients d’une salle d’attente pour passer les premiers.
Bien sûr, cette série est plutôt drôle et permet de passer un bon lundi soir. L’immoralité, l’humoir noir et le second degré est de rigueur, surtout quand on entend une réplique du genre « Soyez tranquille, votre greffe de la prostate se fera en tout dignité ; tous nos organes sont prélevés sur des individus du Tiers-Monde qui, de toute façon, n’auraient pas eu une vie intéressante ». C’est peut-être ça qui plaît le plus à la télé désormais, l’antipathie.
Et qui de mieux pour personnifier l’antipathie qu’un Julien Doré au zénith de son art, en fond sonore dans les teasers de M6 ?
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