29 sept. 2010

Humoriste sans frontières

À mon travail, nous sommes entre trois et huit, suivant les jours, à se côtoyer dans un open space.

Aujourd'hui, Michel, la cinquante-cinquaine passée, qui n'est pas le dernier pour manier la boutade, a raconté une blague. C'est à ce moment-là que j'ai compris que nous n'étions pas dans le même monde. Voici la blague de Michel :

« C'est l'archiduc de Habsbourg, Otto de Habsbourg-Lorraine, 97 ans, (oui, à mon travail, point de blague avec Toto, hein, faut déjà s'accrocher...) qui discute avec son secrétaire personnel :
- Le secrétaire : Je vous rappelle, Otto, que nous devons assister au match de football, ce soir.
- Otto de Habsbourg-Lorraine : Très bien. Et quelle est l'affiche du match ?
- Le secrétaire : Autriche/Hongrie
- Otto de Habsbourg-Lorraine : Bien. Et contre qui jouons-nous ?
»

Michel avait cet air qu'ont les gens distingués, les lèvres pincées et l'œil chafouin, fier d'avoir fait un bon mot.

Cette blague m'a fait beaucoup rire. C'est qu'on sait s'amuser au bureau ! Nous avons tous pouffé pour faire plaisir à Michel.


Ici, le bel Otto (photo chopée sur Wikipédia)

26 sept. 2010

Se souvenir des belles choses

C'est étrange, ce mois-ci, j'ai l'impression qu'il y a du plagiat dans l'air. Je suis donc sceptique quant à la place à donner à certaines chansons dans ce Top Ten, carrefour du bon goût et de l'objectivité.

N°10 - Judith - Fais passer le mot - Je crois que cela fait déjà un an et demi que j'ai écouté, pour la première fois, cette chanson. Or elle ne bénéficie d'une rotation en radios que depuis peu. (L'effet Allô le monde ?) La rengaine est efficace, mais le morceau souffre du manque flagrant de charisme de Judith Delastaraxisse.

N°9 - Philippe Katerine - La banane - Pour moi, il est loin d'être un génie. Sa chanson - et probablement son album que je n'ai pas écouté - n'est rien de plus qu'un gag. Je trouve cela injuste qu'il puisse avoir les honneurs de la presse bobo. Sa banane, pas plus que Bo le lavabo de Lagaf', n'est pas un chef-d'œuvre, fut-elle tubesque.

N°8 - Maroon 5 - Misery - Ok, cette chanson ressemble consanguinement à This love, mais les Oh yeah assaisonnent délicieusement ce plat moyen plus.

N°7 - Lady Antebellum - Need you now - En soi, je trouve les paroles plates et la mélodie assez banale. Et pourtant, il y a quelque chose de mélancolique et de naïf qui se réveille en moi quand j'écoute cette chanson. Elle me donne des poussées d'acné d'adolescence.

N°6 - Jenifer - Je danse - Voici le morceau que j'ai eu le plus de mal à classer dans ce Top Ten. D'abord parce que je n'aime pas la chanteuse. Je danse n'est pas une chanson comme les autres. Le refrain est génial. Tout le reste est plus ou moins parlé/rappé. Ce qui me gêne, c'est que, musicalement, la chanson dissimule ses plagiats. Elle emprunte au répertoire à succès des années 80, en particulier ce qu'il est de bon ton de qualifier de daubes kitsch, comme Mise au point, Nuit de folie, Chacun fait c'qui lui plait, voire Les petits malins. Le tout est noyé dans de très bons arrangements à la mode, et passe de facto comme un mail sur Gmail. Cette chanson peut malgré tout devenir le tube de la décennie.

N°5 - Julian Perretta - Wonder why - La mélodie claque comme rarement. Ces boum boum sont parfaits.

N°4 - Raphaël - Au bar de l'hôtel - Quel bonheur. La douceur de la voix et la dureté des paroles font un mélange d'une harmonie prodigieuse. Le nouvel album de Raphaël est incontestablement le meilleur de la rentrée pour les textes et pour les musiques, tellement supérieur à celui de Zazie pour laquelle l'engouement me laisse dubitatif. Je ne dois pas être branché, ça doit être ça.

N°3 - Elodie Frégé - La fille de l'après-midi - À mi-chemin entre du Gainsbourg et du Gréco, Frégé frappe fort pour un retour qu'elle ne doit pas rater après l'excellent Jeu des 7 erreurs. Une diction très agréable et des envolées vocales aiguës absolument charmantes.



N°2 - Shy'm - Je suis moi - Après le désert, Shy'm a loué un cirque pour son nouveau clip. Même si Je suis moi est un peu en-dessous de Je sais (mon tube de l'été), la qualité du bitch power à la française me régale. Shy'm me surprend vraiment avec cet album, dont les chansons sont bien meilleures que Femme de couleur ou Victoire. Le refrain, avec ses I am me, est très bon.



N°1 - Camélia-Jordana - Calamity Jane - Une ballade intemporelle est une mélodie douce et reposante. Un choix très judicieux après Non non non (Écouter Barbara).
(Intégration désactivée sur demande)

23 sept. 2010

Piège à cuniculophiles

Ce matin, alors que mon job d'été s'achevait hier soir :

With a taste of your lips, I’m on a riiiiiide... You’re toxic, I’m slipping under... ♫
(Sonnerie de mon téléphone)

Rhum - Oui ?
Rémi (mon chef, qui n'était donc plus mon chef depuis hier soir) - Salut Rhum, c'est Rémi.
Rhum (pris au dépourvu et cherchant vite quelque chose à dire) - Ah... salut... euh... ça va ?...
Rémi - Oui. Dis-moi, je t'appelle pour savoir si tu es disponible les 15 prochains jours.
Rhum - Ben... oui...
Rémi - François a prolongé son congé maladie, et on a besoin de toi, donc on pourrait proroger ton contrat.
Rhum - Ah, alors... oui... c'est d'accord!
Rémi - Super, alors tu peux passer dans la journée pour qu'on règle l'administratif ?
Rhum - Oui, oui, pas de problème.
Rémi - Bon, alors à tout à l'heure, mon lapin.
Un instant.
Rhum - Euh... oui... à tout à l'heure.

J'ai été un peu surpris que mon chef m'appelle mon lapin alors qu'il ne parle pas comme ça d'habitude.

Enfin bon, au moins, ça repousse encore un peu ma période de chômage.


(Pfff... en plus, j'ai même pas des grandes oreilles, moi)

20 sept. 2010

Basse quête

La force d'une ville se reconnait à ses stars. Ma ville natale, C., hormis un vieux président de la République qui parle comme chà, n'a pas de grandes stars. Tout son potentiel se concentre dans ses sportifs, eux-mêmes concentrés dans un seul sport, le rugby.

Il suffit de toute une population en liesse à la suite d'une victoire attendue depuis des décennies pour que les joueurs d'une équipe soient élevés au rang de mites mythes acclamés sur la place de J., la place principale de C. Il faut bien avouer que si C. avait un Conservatoire d'Art dramatique aussi fructueux que l'est son équipe de rugby, ma ville serait un vivier de stars de cinéma. Oui mais voilà, c'est comme ça.

Maintenant que la ville s'est bien concentrée sur son rugby, et en a récolté les fruits, elle élargit un peu sa cible. Avant d'arriver à la culture et à l'art, C. mise un peu plus sur les autres sports. L'équipe de foot reste inexorablement en ligue 2 (à moins que ce soir en ligue 3 voire 4, à vrai dire, comme dirait Lova Moor, je m'en balance). Mais le basket, lui, aspire à une renommée plus nationale. Et pour ce faire, le club de Pro B de C. a recruté une déjà-star, Xavier Delarue.

Parce qu'on a bien trop parlé d'un autre Delarue cette semaine, Xavier est là pour rééquilibrer la donne. Il est évident qu'en participant à Secret Story avec Tatiana Laurens (la fille spirituelle de Rose) il y a quatre ans, Xavier Delarue, basketteur de métier, n'avait qu'un rêve : jouer à C !

Et comme la pugnacité paye, Xavier est désormais défenseur dans l'équipe de C. La chance !
En plus, le sportif - premier sportif qui fait carrière suite à une participation dans une télé-réalité - a droit aux honneurs dans la presse locale.


À C., on les bichonne les stars... Et attention, aucun second degré dans l'article. On est fier de dire que Xavier est heureux de s'entraîner, à 32 ans, avec ses coéquipiers, plus jeunes que lui... On explicite le fait que Xavier "affectionne" ce stade-là... On est heureux de rappeler que sa femme a été repérée par les casteurs de Secret Story parce qu'elle était "mannequin et chanteuse de jazz (sic) dans un club". En fait ma ville porte aux nues l'un des plus grands manipulateurs de la télé-réalité, qui a réussi à reporter toute la haine que le public pouvait ressentir pour le couple sur sa femme. Et pourtant on ne peut pas dire que Laly (Nelly Vallade de son vrai nom d'actrice porno), les triplées ou Gabriel Jordani aient gardé un bon souvenir des deux tourtereaux.

Parce qu'on a les stars qu'on mérite, on peut dire que, vraiment, ma ville est trop forte.

16 sept. 2010

Rhumanie

Parce qu'il ne fait pas très bon être Rhum en ce moment, j'ai envie de me rapprocher des miens. C'est pourquoi, je te présente, cher lecteur, chère lectrice, ma famille et mes amis.

1 - Grapde Raisin, ma mère

2 - Mifigmi Raisin, ma sœur

3 - Rhumy Schneider, mon amie

4 - Rhum Défamédlabièrnondedieu, mon ami

5 - Rhum Antique, mon ami

6 - Rhum Raisin, moi

7 - Jude Raisin, mon père

13 sept. 2010

Action réaction

La semaine dernière, après des Google Doodle mystérieux auto-satisfaisants, Google a lancé en France son Google Instant.

Désormais, il suffit de taper le début d'une recherche, sans cliquer sur Recherche Google ou d'appuyer sur Entrée, pour que la recherche s'effectue toute seule... avec plus ou moins de pertinence.

Le problème, c'est qu'avec l'algorithme de Google, permettant à n'importe qui de voir les recherches les plus demandées, les résultats sont surprenants parfois.





En revanche, il semble que Google ait pris la précaution de filtrer les résultats pour d'autres communautés...



On remarque ensuite que les recherches sur les hommes et sur les femmes diffèrent.


Les internautes cherchent des hommes nus...


...alors qu'ils cherchent des femmes enceintes (et celles qui ont du goût en matière d'hommes).


D'autres habitudes internettes sont intéressantes :

Lara Fabian est plus recherchée, en France, que Lara Croft (et que Lara Stone)


Nicolas Sarkozy est boycotté


Je suis une star (ha ha!)


Et puis les internautes se livrent à des confessions intimes :

Les hommes sont ingrats


Les Français sont romantiques (ou niais)


Je n'ai pas les mêmes priorités que les internautes, je crois


On remarque que les internautes sont soit Claude Chabrol, soit Will Smith, soit Serge Lama, soit René la taupe


Les gens désespérés radotent souvent


L'internaute pue de partout, en fait


Et le patriotisme, bordel ?


Les internautes ont des questions bizarres parfois


Et bien sûr, certaines recherches instantanées sont bloquées :




En tout cas, je n'ai désormais plus peur que Google prédise ce que je veux chercher avant de l'avoir tapé puisqu'il tombe toujours à côté. Je suis rassuré.

11 sept. 2010

La boîte à pharmacie – Véhef 1

Mais que signifie donc ce titre mystérieux ? te dis-tu probablement mon cher lecteur (ou ma chère lectrice). Eh bien la boîte à pharmacie de Rhum Raisin regorge de pépites musicales toutes plus grandioses les unes que les autres. Tu le sais, j’aime par-dessus-presque-tout les chansons françaises. Je n’ai pas honte d’aimer ce qu’il est de bon ton de dénigrer en société. Et s’il y a bien une niche musicale qui me plaît particulièrement, ce sont les reprises de standards étrangers en français. Je trouve absolument délicieux de découvrir une véhef alors que l’on connaît (et que l’on aime) la vého. Bien souvent, à mes oreilles, même s’il existe parfois du second degré dans mon plaisir à écouter des chansons, les véhefs ont davantage de cachet que les véhos. D’où la boîte à pharmacie. Je suis désolé de ce rapprochement farfelu et totalement pourri.

Celle qui inaugure l’ouverture de cette boîte à pharmacie est l’une de mes chanteuses préférées, Karen Cheryl, remember. Oh, je sais, à la lecture de ce nom, je viens de perdre la moitié de mon lectorat, et tout le monde sait très bien que zéro divisé par deux, ça fait assez peu. Les Nouveaux Romantiques est l’un des plus grands tubes de Karen Cheryl. Je regrette d’ailleurs qu’il n’ait encore jamais été proposé à N’oubliez pas les paroles !, alors que Oh chéri chéri l’a déjà été (et chanté une fois), de même que Si… (une seule fois proposé et non choisi malheureusement). La vého est italienne, interprétée par le groupe Ricchi e Poveri (« Les Riches et les Pauvres »), Sarà perché ti amo. Le titre original « Ça doit être parce que je t’aime » est donc devenu « Les Nouveaux Romantiques ».

Il a l'émotion de notre génération
Il a des chansons et le courage de Danton
Pour lui je peux faire l'Atlantique en solitaire
Sa vie est la mienne et c'est pour ça que je l'aime

Karen vante là son fiancé. Elle fait même son intéressante en utilisant des mots qu’on utilise rarement dans les chansons, comme Danton ou Atlantique. La traduction motàmo de la chanson évoque plutôt la naissance d’un amour. C’est une confusion, c’est une émotion, mais que m’arrive-t-il, je mouille, je bande, ça doit être parce que je t’aime. Sur ce coup, Karen est beaucoup plus fleur bleue.

On est en romance, cœur contre cœur, bien branché
On est en fréquence sur la ligne de nos idées
On est en instance de vouloir tout partager
Aucun théorème et c'est pour ça que l'on s'aime

On remarque ici que Karen est totalement connectée avec son boyfriend. Il y a une sorte d’alchimie qui se forme entre les deux amoureux. Et finalement, la version italienne n’est, dans le fond, pas si éloignée. Les Ricchi e Poveri chantent « Moi je chante au rythme de ta douce respiration, c’est le printemps, ça doit être parce que je t’aime ». C’est le monde des Bisounours, c’est l’amour fou (haha, une autre chanson de Karen !). Oui, mais voilà, le refrain risque d’être fatal…

On s'écrit téléphonique, nous les nouveaux romantiques

Karen est une précur…seuse…précurseur…trice… bref elle était en avance sur son temps. Dès les années 80, elle envoie des SMS avec son téléphone à cadran. Probablement une sorte de morse. L’histoire ne dit pas si, déjà, elle lolait.

Actuels et nostalgiques étonnamment romantiques

Karen avoue son côté entre-deux-eaux. Mi-sérieuse mi-funky, mi-femme mi-enfant, mi-sage mi-salope. À noter que les paroliers français ne sont totalement foutus du sens de la vého. Beaucoup trop abstrait.

Dans les boîtes à musique, les Roméo s'abandonnent
C'est triste Vérone, j'aime l'amour que tu me donnes

La jeune femme, qui veut absolument pécho son mec ce soir, l’emmène en boîte, parce que là-bas, les mecs se bourrent la gueule et sont plus aptes à coucher avec les pas belles. La version originale est encore plus trash puisqu’elle accentue le fait que les amants de Vérone font l’amour sans sentiment : « Et si l’amour n’y est pas, il suffit d’une chanson pour semer la confusion à l’intérieur et à l’extérieur de toi ». Jusqu’ici, Karen est vraiment plus romantique que les Ricchi e Poveri.

Boul'vard périphérique sur nos motos héroïques

Typiquement la phrase qui ne veut rien dire. Elle ne sert qu’à rappeler que Karen aime les bikers, les motos, les héros, bref la virilité.

Symphonie mécanique, nous les nouveaux romantiques

Karen explique qu’en plein expérimentation mécanique et physique, elle est en osmose, comme si elle écoutait une symphonie de Mozart.

C'est un look, un physique
Que Roméo me pardonne, c'est fini Vérone
Laisse tomber y'a plus personne

Quand l’acte d’amour est terminé, on se quitte. C’est le kleensex. Les nouveaux romantiques font fi des sentiments et de l’amour qui se veut éternel. Dans la vého, on parle de monde qui s’écroule. Les Italiens seraient-ils plus lovers que les Français ?

La dolce vita, c'est se retrouver chez nous
La romantica, c'est avec toi jusqu'au bout
La passionatta, c'est les aveux les plus doux
Aucun théorème et c'est pour ça que l'on s'aime

Apprécions là l’effort d’insérer du vocabulaire italien à la chanson française. Une touche d’Umberto Tozzi, d’Adriano Celentano, de Toto Cutugno, que dis-je, de Claude Barzotti, l’Italien archétype du dragueur qui fait fondre le cœur de midinette de Karen Cheryl. Les tournures impersonnelles de la véhef permettent à Karen d’exprimer son désir vibrant de se taper un Italien, enfin, et de le garder pour la vie. La vého n’offrent que des phrases abstraites : « Si le monde est fou, qu’y a-t-il d’étrange, au moins nous on s’aime ».

La chanson se termine avec la reprise du refrain ad-lib. Je te laisse savourer maintenant…




(Photo chopée sur Bide et musique)

5 sept. 2010

Le fossé des générations

« Je ne peux pas savoir, je n’étais pas né. » Cette phrase est une façon assez maladroite d’avouer son ignorance à une question de Trivial Pursuit. Ce n’est pas parce qu’on est né après 1821 qu’on ne doit pas connaître Napoléon 1er. Et heureusement qu’il n’est pas utile d’avoir poussé son premier cri au XVIIIe siècle pour savoir que Mozart a composé quelques chefs-d’œuvre.

Bien sûr, on ne peut pas en vouloir aux enfants de l’an 2000 de ne pas savoir qui était Joe Dassin ou que Charles de Gaulle n’est pas qu’un aéroport. De la même manière, on ne peut pas en vouloir à un septuagénaire d’être passé à côté du dernier Toy Story. C’est une question de génération, c’est tout.

Chaque année depuis 1998, deux Américains dressent une liste d’éléments d’histoire et de culture générale que les étudiants de l’année en cours pourraient ignorer à cause de leur jeune âge. Pour établir cette liste, Tom McBride, professeur de lettres, et Ron Nief, ancien porte-parole de l’université Beloit dans le Wisconsin, ont rassemblé des contributions d’étudiants, dépouillé des articles de journaux, scruté les publications et les médias populaires pendant l’année de rentrée de chaque nouvelle génération d’étudiants.

Le cru 2010 est fameux ! La plupart des jeunes Américains entrant à l’université cette année pensent que Beethoven est un chien, considèrent les courriels comme trop lents et n’ont jamais connu John McEnroe que dans des publicités télévisées. Pour ces étudiants qui auront leur licence en 2014, la Tchécoslovaquie n’a jamais existé ; quand on leur parle de Fergie, ils pensent à la star du groupe de hip-hop Black Eyed Peas plutôt qu’à la duchesse d’York Sarah Ferguson ; et Clint Eastwood est d’abord un réalisateur et non l’incarnation de « Dirty Harry ». Il faut aussi leur dire que montrer son poignet du doigt d’un air interrogateur signifie qu’on cherche à savoir l’heure.

Le processus est simple. Il suffit de discuter de tout et de rien avec les étudiants (américains, bien sûr…) d’aujourd’hui. « Lorsqu’ils vous regardent avec des yeux effarés, cela veut dire qu’ils ne savent pas du tout de quoi on parle », explique Ron Nief. L’objectif de ces listes, en plus de faire sourire et de flanquer un coup de vieux à ceux qui en saisissent les subtilités, est de souligner les rapides changements de perception liés aux générations.

Lors des précédents portraits, les auteurs avaient souligné, par exemple, que la classe née en 1980 n’avait connu de toute sa vie qu’un seul pape, Jean-Paul II, souverain pontife de 1978 à 2008. La classe 2006, née en 1984, n’a pas connu l’apartheid en Afrique du Sud. Au sein de celle de 2009, peu d’étudiants savaient faire un nœud de cravate et la plupart ignoraient que l’Iran et l’Irak avaient été en guerre l’un contre l’autre. Pour ceux qui ont été diplômés cette année, l’Allemagne n’a jamais été divisée et il a toujours été interdit de fumer dans les avions…

Cette incompréhension est communément appelée « fossé des générations ». Entre ceux qui pensent que France 2 s’appelle toujours Antenne 2 et ceux qui considèrent que Yannick Noah n’a jamais été rien d’autre qu’un chanteur qui ne remplit pas les stades, ce « fossé des générations » n’est pas prêt de se tarir !

(Photo chopée sur toutlecine.com)

2 sept. 2010

Souvenirs de rentrées

Aujourd’hui, c’était la rentrée. Et pourtant, c’est la première fois que je ne fais pas la rentrée. Mais oui, mais oui, l’école est finie. Je ne vivrai plus ces insupportables nuits à la veille d’une rentrée scolaire. Adieu les centaines de retournements dans le lit pour cause de non-endormissement, adieu les dizaines de chansons chantées dans la tête pour tenter de trouver le sommeil, adieu les pensées inexpliquées alors que l’heure de la nuit avance et qu’il ne reste déjà plus que cinq heures avant que le réveil sonne. Évidemment, cela pourra très bien se produire à nouveau, mais pas pour une rentrée scolaire. Et heureusement, en fait, parce que les rentrées scolaires, elles n’ont pas toujours été Nelson mon fort.

Petite section de maternelle – Je n’en ai absolument aucun souvenir. Je sais seulement que j’étais à l’école de l’O., à C. Je soupçonne même Maman de m’y avoir inscrit en cours d’année, uniquement dans le but que je ne me souvienne pas de ma première rentrée scolaire.

Moyenne section de maternelle – Aucun souvenir non plus, à part peut-être le fait que c’était la dernière rentrée scolaire à l’O., vu que l’école allait être détruite.

Grande section de maternelle – Je crois que c’est là qu’apparaît mon tout premier souvenir de rentrée scolaire. Un souvenir vague. Je débarquais dans une nouvelle école. Une nouvelle classe. Des nouveaux camarades. Et une nouvelle maîtresse. Il faisait beau. La salle de classe donnait sur la cour de récré et la porte était ouverte. En guise de bienvenue, alors que tous les autres élèves se connaissaient déjà depuis la petite section, la maîtresse m’a demandé de venir lui faire un bisou sur la joue. Ce que j’ai fait devant tout le monde. Comme si c’était le sésame pour me faire accepter de tout le monde. Une soirée d’intégration en quelque sorte, mais version soft.

CP – Étonnamment, je n’ai pas vraiment de souvenir de cette rentrée-là, à l’école F. Maîtresse M., qu’on appelait Ginette, a probablement fait l’appel avant de nous demander d’apporter, le lendemain, un gobelet chacun, afin de pouvoir se désaltérer après chaque récréation.

CE1 – Je savais pertinemment que Madame B. était très différente de Maîtresse M. Elle avait une grosse voix, elle était plus jeune, plus dynamique. On se connaissait tous depuis le CP. C’est là que j’ai pu mesurer mon sensible succès auprès de mes camarades. Trois voulaient impérativement s’asseoir à côté de moi. J’ai choisi Jennifer B.

CE2 – Avant même la rentrée, je n’aimais pas Monsieur M. Il allait être mon premier maître, alors que j’étais habitué à des maîtresses. J’étais assez excité car on entrait chez les grands. En effet, la classe des CE2 était au deuxième étage, le même que pour les CM1 et les CM2.

CM1 – Cette année-là, je chantais pour la première fois c’est moi qui avais envie de m’asseoir à côté de quelqu’un. Mais ma timidité maladive m’empêcha de le lui avouer. De toute façon, Monsieur P. avait déjà établi le plan de classe. J’étais au troisième rang, dans la rangée du milieu, à côté de Lassad N.

CM2 – Cette rentrée fut l’une des pires de ma vie. Il y avait deux classes de CM2. Celle de Monsieur J. et celle de Madame P. en alternance avec le Frère F. Je voulais absolument être dans cette deuxième classe, parce que Madame P. avait la réputation d’être sérieuse et de bien faire travailler (oui, moi je voulais travailler à l’école). Manque de bol, ce connard de directeur qui a toujours été jaloux de ma réussite, je le sais, m’a casé avec les cancres, dans la classe de Monsieur J. J’ai pleuré tant que j’ai pu, le midi, auprès de Maman, pour qu’elle fasse quelque chose pour me sortir de ce cauchemar qui allait durer un an. On m’a dit que je devais rester au moins un mois dans cette classe. Si vraiment je ne m’y habituais pas, j’irais dans l’autre classe. Monsieur J., dont c’était la dernière année avant la retraite, a été d’une pédagogie exceptionnelle et d’un humour très fin. Je suis resté dans sa classe. Finalement, mon année de CM2, passée entièrement à côté d’Alexandre R. a été la meilleure de toutes jusqu’au bac.

6e A – Il fallait marquer le coup. J’avais donc choisi mes vêtements en conséquence. Je prie encore aujourd’hui pour que personne n’aie jamais pris, ce jour-là, une seule photo. J’ai tellement honte, rétrospectivement, de ma rentrée en 6e. Toutes les classes de 6e attendaient dans la cour à l’appel des différentes listes. La 6e européenne a été appelée en dernier, et étant dans la fin de la liste, je suis resté presque tout seul dans la cour, Maman avec moi, à attendre mon tour. Tout le monde a donc pu admirer longuement mon polo blanc, mon bermuda rouge et mes chaussettes sous les sandalettes.

5e B – Rien de bien spécial pour cette rentrée sauf que j’ai toujours détesté que la classe européenne ne soit plus la A mais la B désormais.

4e B – J’étais un peu amoureux, depuis la 5e. Et comme nous étions toujours les mêmes dans la classe européenne, nous nous retrouvions avec plus ou moins de plaisir à chaque rentrée. Maintenant, je m’habillais normalement.

3e B – Ce jour-là, on nous a précautionneusement rappelé que nous commencions l’année du brevet. J’avoue ne pas avoir eu un seul soupçon de crainte quant à ma réussite anticipée de cet examen, reposant en grande partie sur le contrôle continu. Le futur me confortera dans cette absence de crainte.

2nde B3 – J’ai toujours rêvé d’être en 2B3 à l’époque des 2 Be 3. Malheureusement, cette classe arriva quatre ans trop tard. Mes goûts décalés pour les vêtements refirent surface à cette rentrée. J’avais un t-shirt informe et un pantalon ocre affreux qui remontait très haut au-dessus du bassin. Je n’étais pas très heureux à la rentrée de seconde. Je n’étais pas très bien dans ma peau. Cette sensation m’a poursuivi toute l’année, année qui fut la pire de mon cursus.

1ère S2 – Je retrouvais avec plaisir mon prof de physique de la seconde, Monsieur D., devenu prof principal de la 1ère. Je venais de terminer une année difficile. Ma 1ère m’a un peu fait relativiser, mais j’ai pris conscience d’une chose : mes années lycée resteront un mauvais souvenir.

TS2 – Nous étions 17 dans la classe. Ce n’est pas que mes camarades étaient méchants ou pas sympathiques. C’est juste que je n’avais pas envie de leur parler. Troisième rentrée tristounette consécutive.

Prépa – Petite excitation ce jour-là. Changement de locaux et refonte totale du catalogue de visages de la classe. Pour la première fois depuis la grande section de maternelle, je ne connaissais personne. Une petite pièce de vie était aménagée juste à côté de la salle de classe. Nous avons bu du jus d’orange. J’ai fait la connaissance d’Anthony et de Robin. (Je suis même allé chez Anthony le soir même). Puis j’ai discuté avec Jessica, Pauline, Anaïs, Martin et les autres. Enfin, je trouvais des gens qui s’intéressaient un peu à moi. C’est là aussi que j’ai appris que le voyage d’intégration allait se faire au Portugal. J’étais ravi de découvrir l’inconnu. Cette euphorie dura jusqu’au mois de janvier. L’ambiance a un peu changé par la suite, mais mon année de prépa reste incontestablement la meilleure année de ma scolarité, tous niveaux confondus et tous domaines confondus.

LLCE2 Anglais – Ma première journée à la fac fut assez nulle, comme j’avais pu l’imaginer. Au lieu de commencer les cours le jour de la rentrée, nous avons eu droit à une réunion mal organisée qui a duré 20 minutes à tout casser. L’amphi était surchargé. J’étais triste d’être là. Je reconnaissais des visages mais je n’avais pas envie d’aborder leurs propriétaires. Heureusement, j’ai aperçu Céline. Je suis allé la voir. Elle a été ma camarade pendant les deux années de fac. Tant mieux.

LLCE3 Anglais – J’étais en compagnie de Céline. Nous avons choisi nos cours et nos options. L’option « Chanson française au XXe siècle » demeure à ce jour le cours le plus intéressant et plaisant que j’ai suivi.

J1 – Je débarque dans cette ville que ne connais presque pas, L. Cette école, dont je ne sais que ce qu’on veut bien me montrer, m’intrigue un peu. Est-elle bonne ? Est-elle fiable ? Est-elle sérieuse ? L’accueil est en tout cas à la hauteur de mes espérances. Un buffet charcuterie, fromage, légumes, fruits, boissons et desserts nous attend. On ne lésine pas sur le bling-bling dans cette école. Pour ce qui est du matériel de travail, on lésine un peu plus, mais ça, bien sûr, je ne le découvrirai qu’au cours des trois ans qui m’attendent. Je rencontre des gens nouveaux. Des gens qui obtiennent spontanément ma sympathie, et d’autres qui ont l’air con. Peut-être avais-je l’air con pour certains, moi aussi, avec mes cheveux de cinq millimètres.

J2 – Le buffet de l’an passé a laissé place à un petit-déjeuner un peu moins copieux. Quatre nouveaux élèves rejoignent la promo. C’est assez bon enfant, puisque j’aime assez ces études-là. Je discute avec l’un des quatre nouveaux. Son front brille comme un phare dans la nuit. Il est gentil.

J3 – Je n’imaginais pas qu’à la fin de cette année-là, j’allais réaliser une superbe chanson. J’en suis très fier. Cette rentrée a été moins forte que les deux précédentes. C’était la dernière. L'ultime rentrée avant la vie active. Vie active qui, aujourd’hui, n’est pas encore bien définie.