29 janv. 2011

Post mortel (Partie 1)

Hier, 10 heures.

Nous partons, après avoir petit-déjeuné et préparé un sandwich pour manger sur la route. De toute façon, nous savons pertinemment que nous serons de retour le soir-même. Dans ma tête, je sais très bien que je ne serai pas revenu à temps pour mon émission préférée, mais il y a des imprévus auxquels on ne peut pas échapper. En fait, dans la voiture, l’ambiance n’est pas très gaie mais la radio permet de faire passer le temps et de se changer les idées. Peu de véhicules circulent sur la route. Nous doublons quelques camions, des 205 pourries et un chien écrasé.

Une fois le Cantal traversé, nous entrons en Lozère, département le moins peuplé de France. À vrai dire, je m’étais un peu habitué à la faible densité d’habitants au kilomètre carré depuis mon expérience à M. Je ne suis donc pas surpris de voir des vaches esseulées sur les petites montagnes du coin. Nous arrivons au lieu de rendez-vous et nous installons.

Les médecins avaient sonné le tocsin et pourtant personne n’avait daigné chauffer l’église. Déjà que ce n’est pas très drôle d’assister à l’enterrement d’un ami, si en plus les conditions ne sont pas optimales, on a un peu envie de ne pas rester. Je réalise que je ne suis pas allé à un deuil depuis belle lurette. Je n’étais pas allé à celui de M. parce que je passais mon bac ce jour-là. Je n’étais pas non plus allé à celui de L. parce que j’étais à L. et que je m’étais mal organisé. Alors pour R., je suis là.

Je me dis que bien sûr, c’est un moment difficile à passer, mais il n’y a rien d’insurmontable. Le curé raconte ses histoires de Bible, lève les bras, boit son vin (car ceci est mon sang) et chante ses chansons. Mais les chansons religieuses ne parviennent pas à me décrocher un quelconque ébranlement. Je trouve toutes les chansons pieuses plates, lentes et ennuyeuses, à part peut-être Douce nuit et encore, uniquement si elle est réorchestrée par Mariah Carey.

Mais quand, assis sur son banc en bois, les pieds gelés, on réalise qu’on ne reverra plus la personne pour laquelle on est là, c’est un peu émouvant. La famille de R. a voulu diffuser, lors de la messe, Que serais-je sans toi. J’aime bien cette chanson, en particulier le moment où l’on entend « Que serais-je sans toi… Que ce balbutiement ». Je trouve que ce mot balbutiement est impeccablement bien utilisé dans cette chanson, qui me procure des frissons. Et là, j’ai des larmes qui montent. Et c’est tellement difficile de les retenir. J’ai beau lever la tête pour essayer de faire en sorte qu’elles retournent sous mes paupières, elles coulent sans que je puisse les retenir.

Puis le curé enchaîne sur La montagne. Cette chanson, bien que plus connue, me touche un peu moins. Je prends néanmoins du plaisir à l’écouter dans ces circonstances particulières. « Ils quittent un à un le pays pour s’en aller gagner leur vie loin de la terre où ils sont nés »… C’est à la fin de cette chanson que retentissent alors les premières notes d’Aimer à perdre la raison. J’ai soudain peur que nous devions nous taper le triple Best-of de Jean Ferrat en entier. Heureusement non. C’est juste le curé qui n’arrive pas à arrêter le CD, le nul.

Après un passage au cimetière, nous nous retrouvons tous à la maison familiale pour boire un café. Je n’ai pas bu de café, mais j’ai mangé une part de gâteau. Le gâteau était bon. L’atmosphère s’est détendue et quelques rires ont, au fur et à mesure que l’après-midi défilait, remplacé les pensées mélancoliques. La journée a filé comme cela, comme une autre. Nous sommes repartis à 17h45. J’ai raté mon émission préférée.

4 commentaires:

Pierre a dit…

Vu les circonstances, je ne serais pas si tu aurais apprécié ton émission préférée d'hier à sa juste valeur, si jamais tu étais rentré à l'heure. Déjà que, dans des circonstances normales, je t'imaginerais un peu en train de râler, parce que le candidat parlerait trop, pour finalement ne pas tellement faire avancer le jeu, même s'il est aussi -pas complètement volontairement mais pas totalement involontairement- assez amusant.
Je ne sais pas vraiment quoi dire d'autre sur ce billet, qui m'a fait rire en compatissant, qui m'a fait barrer les options Maubeuge et Montpellier, que j'ai trouvé très bien écrit.
Mais j'avoue que ça m'aurait étonné, de ta part, que tu évoques ce sujet en mettant des petits cœurs dans ton texte.

Rhum Raisin a dit…

En visionnant l'émission ratée, je suis un peu déçu de l'attitude de l'animateur qui encourage ce candidat à en faire encore plus, en instaurant une pseudo-complicité. C'était laborieux, long, énervant même, et je constate que tu devines plutôt bien mon attitude devant une telle émission.
Et je pense que ta perspicacité aurait aussi pu te faire éliminer Metz.

Jay Heime a dit…

Je suis juste déconcerté(e) par ton mépris des 205 pourries (et souvent blanches d'ailleurs)!!
Toutefois, toutes mes condoléances



signé Isabelle Aubré

Rhum Raisin a dit…

Cher (Chère) oscar marie, je pense que tu n'es pas la vraie Isabelle Aubret, parce que tu ne t'écris pas comme la vraie.