16 sept. 2007

RRridicule

J'ai lancé un Salut très discret, limite gêné, à Marie tout à l'heure. Et je m'en veux d'avoir été si inaudible. Elle a souri, et m'a répondu par un regard rieur, presque insistant. Je ne sais pas ce que ce regard presque insistant signifiait ; était-ce une attitude accompagnant un Salut aussi imperceptible que le mien, si bien que je ne l'ai même pas entendu, ou était-ce un foutage de gueule très soft ?
Marie a changé depuis que je ne l'ai pas revue, du temps où nous jouions au tennis avec cette garce de Maud, et sa copine moche, un peu moins garce, mais moche. Marie était dodue et avait de la moustache. Elle était gentille mais elle avait souvent mauvaise haleine, alors je gardais mes distances. C'est peut-être pour ça que je n'ai pas osé lui lancer un Salut plus affirmé. J'ai été surpris par sa métamorphose. Marie avait aujourd'hui une coiffure fashion mais naturelle et une démarche assurée mais légère. Et son duvet cutané d'avant avait disparu. Mon élan salutaire a été stoppé par la nouvelle Marie, et je n'ai pu que bafouiller un modeste Salut. Ce dernier aurait pu être plus majestueux si je n'avais pas non plus été stupéfait de la voir main dans la main avec un garçon - que je subodorai ainsi être son petit-ami - à peine plus grand qu'elle, les cheveux dans le vent, le sourire éclatant, le corps aussi svelte et élancé que celui de Marie, ce qui ne pouvait que me ramener à ma triste réalité. Mon Salut n'a pas été franc, parce que j'ai été destabilisé par cette avalanche de nouvelles informations : Marie avait changé. Ce Salut aurait pu être plus déterminé, agrémenté d'un sourire ravageur, mais il fut troublé par ce spectacle d'amoureux transpirant de bonheur juste en face de moi. Je n'ai pas dit que je n'aimais pas croiser des amoureux ; j'aime bien, au contraire, ça peut même me rendre heureux parfois. Or, là, lorsque j'ai croisé Marie et son mec, j'étais avec Maman. Et Maman avait eu la bonne idée de ne pas se coiffer, de ne pas se maquiller, et de mettre ses chaussures jaunes. Par conséquent, mon Salut s'apparentait plus à des babélismes irréfléchis et niais qu'à une salutation réfléchie et éloquente. Je me demande encore pourquoi il a fallu que nous croisions Marie aujourd'hui. J'aurais peut-être dû ne pas accepter d'aller me promener avec Maman. Non pas que je n'aime pas me promener avec Maman, mais je n'aime pas que l'on me voie dans cet état, avec ces - toujours présents - dix-neuf kilos superflus, et cette horrible coupe de cheveux. (Enfin, quand je dis "horrible", tout est relatif, hein, je suis toujours Rhum Raisin). Et puis j'aurais peut-être été plus enthousiaste à l'idée de dire Salut à Marie si je n'avais pas décidé de sortir avec ma chemise bleu pâle, arborant une gigantesque auréole autour du cinquième bouton en partant du col, souvenir de la délicieuse nectarine ingurgitée ce midi-même, avouant ainsi, malgré moi, que je l'ai mangée comme un gros dégueulasse, ce que je ne fais pourtant jamais, puisque je ne suis pas dégueulasse. Je ne pouvais pas imaginer que j'allais croiser Marie. En fait, je m'en fous de Marie, complètement. Autant que de son copain. C'est le fait d'avoir croisé quelqu'un d'heureux qui me tracasse, et de ne pas être parvenu à faire croire que, moi aussi, j'étais très heureux. Mon Salut a été minable.

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