Hier soir. Je ne dors pas, c’est la toute toute première fois. Je ne sais pas pourquoi j’ai envie d’écrire un portrait. Il y a des soirs comme ça où tout s’écroule autour de vous. Comme une envie subite et incontrôlée d’écrire une chronique décousue, comme mon pantalon mais au féminin, à propos d’un sportif, moi qui abhorre le sport quand il ne s’agit pas de patinage ou de tennis. Parler de quelqu’un librement pour la simple et bonne raison que tous les lecteurs – et trices – de cette chronique d’une infinie inutilité se sont arrêtés – ou tées – à la fin de la première phrase, tel est mon petit plaisir nocturne.
Vikash Dhorasoo (nu) ne dégage rien d’intéressant a priori, et pourtant, il me permet de rester éveillé devant cet ordinateur qui commence à afficher des signes de vieillesse (mon ordinateur et non Vikash). Vikash, en plus d'avoir un prénom archi-commun, n’était pas un joueur de foot comme les autres. Non pas que je minimise son talent et son habileté – 1m68, respect – ni d’ailleurs sa façon si particulière de positionner ses cheveux aussi brillants que Dany sur le front luisant. Carré comme Mariah, habile comme Victoria, Vikash a un humour décapant. Pour preuve, il déclare en 2006, avec un flegme quasi britannique qu’il refuse d’annoncer officiellement sa retraite internationale, pour la simple et bonne raison que tout le monde s’en fout.
Le 11 janvier 2008, il annonce qu’il met un terme à sa carrière de footballeur faute de club et d'ambitions. Mais c’est bien connu, les filles de 1973 ont trente ans. Les hommes aussi. Vikash Dhorasoo a trente-cinq ans et le torse velu. Vikash a subi un échec personnel, viré par le grand méchant loup, Guy Lacombe, mais s’en remet vite grâce à son excellente capacité à nouer le contact. Haï, moqué, humilié tel un Cindy Sander du PSG, Vikash Dhorasoo a rebondi, et a vite craché dans la soupe, ceci étant une expression à ne pas prendre au pied de la lettre. Désormais, Vikash casse, comme Patricia, ses anciennes connaissances, via son livre Hors Champ, ou via On va s’gêner où il fut chroniqueur avant-hier pour la première fois. Vikash n’a rien fait pour que je m’intéresse à lui, mais j’ai eu envie. Comme ça.
Ce soir, je veux rendre hommage à quelqu’un qui, d’habitude, ne retient aucunement mon attention, ce footballeur mélancolique, si cher à Philippe Delerm, Vikash D.
Avec un mois de retard, voici le tout nouveau Flop Ten : les dix chansons les plus insupportables du moment.
N°10 – Walking away – Craig David feat. Lynnsha – Un peu à la manière du Vivo per lei d’Andrea Bocelli, Craig a voulu adapter son tube Walking away dans chaque pays. En France, c’est Lynnsha qui a été choisie pour interpréter le duo avec lui. Un résultat loin d’être à la hauteur de la version originale.
N°9 – Beggin – Madcon – Cette chanson commence vraiment à me taper sur le système. L’espèce de vieille voix au tout début en devient même insupportable.
N°8 – Les figures imposées – Julien Doré – Le cinquième gagnant de l’émission de M6 savait très bien ce qu’il faisait quand il a demandé à Catherine Deneuve d’apparaître dans son clip. C’était pour faire le buzz. Et de ce buzz, il en avait besoin pour qu’on parle de sa chanson, et qu’on l’écoute. Pour une chanson aussi laborieuse, il fallait absolument un très bon clip.
N°7 – La débâcle des sentiments – Stanislas feat. Calogero – C’est typiquement le genre de chanson que je pourrais aimer. Mais il manque un truc. C’est mou, et le clip n’est pas drôle malgré sa volonté de l’être. Je ne sais pas ce qui cloche avec Stanislas depuis qu’il chante, mais je n’arrive pas à l’apprécier à sa (probable) juste valeur.
N°6 – Sabali – Amadou et Mariam – N’ayant jamais compris le succès de leur premier album, j’ai écouté le premier extrait de Welcome to Mali. Bien que les arrangements électro du premier morceau soient sympathiques, je trouve toujours les chansons particulièrement nazes.
N°5 – Gate 22 – Pascale Picard – C’est moi ou le passage où elle chante « here I aaaaaam » sonne un peu faux ? Ça ressemble à du Alanis Morrissette, en moins bien.
N°4 – Toi et moi – Tryo – Décidément, ce Flop Ten est résolument mou. A ne pas confondre avec le réussi Toi + moi, Toi et moi possède peut-être des paroles sensées, mais le rythme et la mélodie laissent franchement à désirer.
N°3 – Tu peux choisir – Gage feat. Vitaa – On arrive au pire du pire de ce que l’on peut entendre à la radio et voir à la télé en ce moment. Cette espèce de pseudo scène de ménage entre les deux protagonistes est assez risible.
N°2 – La roue tourne – Zaho – Je crois qu’on a eu notre dose, non ? Est-ce que radios et télés pourraient enfin cesser de diffuser ce titre aussi intéressant que les vidéos de Mickaël Vendetta ?
N°1 – Qu’est-ce qu’on va faire avec ce monde ? – Hélène Segara – Non seulement la belle Hélène se permet de reprendre en français l’une de mes chansons préférées du monde, Sodade, mais en plus, elle le fait avec une voix méconnaissable de gamine niaise et mielleuse qu’on a envie de baffer dès qu’elle ouvre la bouche. Une erreur, chère Hélène.
Depuis samedi, les opprimés peuvent se rebeller. Les malheureuses victimes peuvent se liguer contre le grand manitou du téléphone portable. La faculté d’ubiquité du grand gourou de l’audiotel peut enfin être mise à mal. Oui, depuis samedi, quiconque est harcelé de sms inopportuns a le droit de se défendre, afin que l’Axe du Mal soit l’arroseur arrosé.
Les hommes faibles – et les femmes aussi – abusés et meurtris, ont désormais la possibilité de dénoncer, bien qu’ils aient appris étant jeunes que la délation, c’est mal, le maléfique malfaiteur qui les harcèle de sms, les poussant au crime, à savoir l’appel surtaxé à un non-ami. Si toi, lecteur, (et ça marche aussi pour toi, lectrice) tu reçois des textos d’illustres inconnus qui te supplient de les rappeler, et que tu te sens violé, ou lée, dans la plus profonde intimité de ta vie privée, sache que tu peux transférer tes sms indésirables au 33700. La police pourra ainsi remonter à la source du dysfonctionnement, arrêter les coupables, faire régner la justice, et défendre les faibles, un peu comme Chuck Norris.
Mais a-t-on pensé au désarroi de milliers d’êtres humains, comme toi, ou toi, qui ne vont plus pouvoir recevoir de textos de leurs seuls faux amis ? La réponse est non.
Le 10 octobre 2008, je reçois un sms énigmatique : Salut ! je voudrai te parler, appel moi o 0899700558 code 388090 et écoute ce ke je veux te dire. 1.35e + 0.34mlMM.
Tout intrigué que je suis, je décide de laisser courir. Puis deux jours après, le 12 octobre 2008 : Bon je t explique pourkoi je veu te tel au 0676… (ndRR : le numéro privé de Rhum Raisin) et ki je suis ! Tel le 0899700558 code 388090 tu saura pourkoi jaimerai beaucoup te voir.
Puis se sont succédé les sms insistants, huit au total : Oui c moi ki t’envoi souvent des sms ! Mais tu répon pas ! Ecoute au moins mon message o 0899700558 code 388090 tu comprendra pourkoi je veu te voir [16 octobre 2008] Bon ok ! je te dis ki je suis !! tu comprendra pourkoi je t envoi des sms. Tel le 0899700558 code 388090 tu as mon message + identité + mon tel perso [19 octobre 2008] Ça m amuse pas de t envoyer des sms et que tu repondes pas ! tel le 0899700558 code 388090 et écoute mon message, tu comprendra pourkoi j insiste [21 octobre 2008] Mais écoute au moins ce message,il est pas long !Appel le 0899700558 code 388090 Te dis ki je suis et pourquoi j’aimerai beaucoup te rencontrer [25 octobre 2008] Comme tu repond pas à mes mes sms, je te laiss mon identité et 1message t explikan pourkoi jinsiste ; tel le 0899700558 CODE 388090 t’enten mon message [26 octobre 2008] Je prefer ke tu vois ma foto ! tu comprendra pourkoi j insist ! tel le 0899700558 code 848247 tu vois ma tete ! Et aussi mon num perso (sous la foto) [30 octobre 2008]
Voilà presque vingt jours que je n’ai plus de nouvelles de mon expéditeur secret, et je crois que c’est la source de toute ma mélancolie. J’aurais probablement dû céder et passer un coup de téléphone, comme ce fut sobrement suggéré dans la petite huitaine de sms reçus. Aujourd’hui, je m’en mords les doigts*.
La vie n’est qu’une entité absurde où flottent les violons mélancoliques de l’incohérente amnésie. Parfois, dans la pénombre lyonnaise, qui est parfois nantaise, les journées sont d’une anormalité alarmante. Pourquoi la vie est-elle si compliquée ? Où se cache la vérité ? Mais qui est la belette ? Veux-tu ne pas m’épouser ? En quoi le besoin se matérialise-t-il par le désir ? Quelle est la couleur du sang froid ? Où est passé le soleil de l’été ?
Je ne sais pas si c’est une bonne chose ou non que la presse parle davantage des querelles du parti socialiste que des problèmes au Nord-Kivu. Toute la vie est absurde. Personne ne s’étonne que R. se rapproche de E., alors que R. est pour moi. Personne ne comprend les réelles raisons du départ des saumons en Alaska, aussi absurde que de trouver Mickaël Vendetta bogosse.
Les jours se suivent et ne se ressemblent pas. Qui vole un bœuf n’amasse pas mousse. J’ai réalisé post-mortem que j’avais passé dix minutes de ma journée à discuter avec Bryan Le Cap, alors que j’aurais mille fois préféré passer dix minutes de ma journée autrement accompagné.
Vincent Delerm – dont le dernier disque est formidablement bien critiqué ici – naît à Evreux en 1973 parce que les filles de 1973 ont trente ans. Il vit une enfance heureuse à Deauville, mais sans Trintignant. Un beau matin d’adolescence, alors qu’il se lance dans un slalom géant, il fait la connaissance d’Anita Petersen. Chaque jour, à l’heure du thé, il lui déclame un monologue shakespearien, dans la gare de Milan. Il choisit régulièrement la gare de Milan, parce qu’à Naples, il y a peu d’endroits pour s’asseoir. Or, un soir, en feuilletant un vieux Cosmopolitan, il se rend compte qu’Anita ne lui plait plus. Il rompt et tombe amoureux de Marine.
Il lui fait visiter Monterey, 78543 habitants. « Voici la ville dans laquelle je veux me marier avec toi, avec mes parents et tes parents » lui dit-il en souriant. « Je suis bien dans tes bras, je pense à toi, c’est déjà toi la femme de ma vie, avec ta tête d’ange, il fait si beau ce matin » ajoute-t-il sans se soucier des banalités qu’il déverse. Marine rougit de bonheur quand Vincent lui fait ses déclarations. Elle a les jambes de Steffi Graf et du sépia plein les doigts. C’est normal, puisque Marine est une fille sportive. Et comme le cœur des volleyeuses bat plus fort pour les volleyeurs, la vie est la même. C’est la raison pour laquelle, du 29 avril au 28 mai, Marine fait de la natation synchronisée, avec Charlotte Carrington, à Kensington Square. Mais comme le lui répète sans cesse Vincent, un tacle de Patrick Vieira n’est pas une truite en chocolat.
Vincent décide alors d’emmener Marine au Shea Stadium. Mais ils rencontrent Fanny Ardant. Vincent est alors embarrassé. « Quoi ? Je t’ai même pas dit que Fanny Ardant et moi, on était ensemble ? ». Humiliée, Marine se transforme en espèce de vipère du Gabon et mord Vincent jusqu’au sang, un peu comme un baiser Modiano, mais façon vampire. N’étant allergique qu’aux piqûres d’araignée, Vincent n’en meurt pas.
Il se réfugie à Chatenay-Malabry, seul. Il prend un livre dans sa bibliothèque, catégorie Bukowski, et lit la quatrième de couverture. Le lendemain matin, il se réveille avec Martin Parr, Ambroise Paré et François de Roubaix dans le dos. Et comme il y a un temps pour tout, il leur chante ses favourite songs à l’aide de son deutsche grammophon. Sous une pluie de chagrin, il repense à sa vie. Mélancolique et dépressif puissance quatre, Vincent meurt noyé sous les avalanches de pleurs. Que voulez-vous, tous les acteurs s’appellent Terence.
Cher lecteur, chère lectrice, je te propose de muscler tes zygomatiques en pratiquant la natation synchronisée.
Rares sont les mois où ce que nous proposent les radios et télés musicales ne me plaisent pas. Novembre 2008 est pourtant l’un des exemples les plus explicites. Alors que ce que j’attendais le plus ne sera pas disponible avant une éternité, l’actualité musicale du moment semble bien n’être que la lie d’un litron de La Villageoise. Voici néanmoins le tout nouveau Top Ten, avec seulement, une fois n’est pas coutume, cinq chansons en français.
N°10 – This is the life – Amy MacDonald – Une petite chanson sans prétention qui me fait affreusement penser à Assereje des Las Ketchup. Alors quand je suis seul et que j’entends This is the life, je fais la chorégraphie de Assereje. C’est ridicule, mais je m’en fous.
N°9 – Drôle de Creepie – Lisa – Je pense que je devrais cesser d’écouter cette chanson quand je marche dans la rue. Parce qu’elle me fait sautiller malgré moi. Et quand je sautille, je soupçonne les passants de m'observer avec un regard moqueur. Tic tic…
N°8 – Entre toi et moi – Mathieu Edward – Quand j’ai entendu cette chanson pour la première fois, j’ai aimé, sans savoir qui était l’interprète. Puis j’ai appris que c’était la nouvelle de Mathieu Edward. J’ai alors réalisé le grand drame de tous les chanteurs de awrènbi : ils ne peuvent pas faire de carrière longue puisqu’ils ont tous la même voix. Sauf que Mathieu, lui, il pourra s’en sortir. Son atout premier : un regard d’une expression telle qu’il bat tous les records.
N°7 – I kissed a girl – Katy Perry – Preuve que l’actualité musicale est bien pauvre, ça doit faire au moins quatre mois que Katy est toujours dans ce Top Ten. La chanson a beau être vive à souhait, elle commence à dater.
N°6 – Viva la vida – Coldplay – (voir ci-dessus).
N°5 – Toi + moi – Grégoire – Même si la mélodie est moins forte que celle des Rois du monde, je trouve qu’elle est de la même trempe. Elle démarre doucement, puis elle nous entraîne dans une sorte de spirale infernale sans fin.
N°4 – I’m yours – Jason Mraz – Je reste fan des pou tou pou tou bou à la fin. À écouter à chaque moment de la journée, histoire de dodeliner gaiement de la tête.
N°3 – Mon p’tit gars – Christophe Maé – Le côté J’écris une chanson pour mon enfant qui vient de naître parce que je veux montrer au monde entier que je l’aime me saoule profondément. Mais il existe des exceptions à la règle. Christophe m’a agréablement surpris avec cette jolie mélodie. J’aime le passage Et je te vois mort de rire dans la cour de récré.
N°2 – Un temps pour tout – Vincent Delerm – Il y a du génie dans Delerm. Il réussit à faire du bon avec de la bossa nova. C'est fort. Paradoxalement, je comprends à 100 % les gens qui ne supportent pas sa voix. Là encore, c’est une chanson à écouter à chaque moment de la journée, histoire de dodeliner gaiement de la tête.
N°1 – Womanizer – Britney Spears – J’ai eu du mal au début avec Womanizer. Mais depuis deux ou trois semaines, elle tourne en boucle. À tous les membres du jury de Star Academy ou de Nouvelle Star qui osent dire que telle ou telle chanson de Florent Pagny ou de Norah Jones est trèèèèèèèès difficile à chanter, je leur demande vivement d’écouter Womanizer. Le niveau est autrement différent.
En ce milieu d’automne qui pourrait s’apparenter à une mini disette musicale, le dernier album de Vincent Delerm doit s’apprécier comme un compliment parmi les reproches, comme une pépite de chocolat dans un cookie, comme une place assise dans le tram en heure de pointe, comme un grumeau dans une crêpe. Quinze chansons est sorti aujourd’hui. Saluons ce titre assez génial, et cette pochette de disque, qui met en valeur la virilité de Vincent.
Quinze chansons commence avec une ballade assez appréciable. Tous les acteurs s’appellent Terence, première preuve que les titres de Quinze chansons sont globalement très longs, preuve également que finalement, quand c’est long, ce n’est pas forcément si bon que ça. Une inspiration assez britannique dans le style, qui peut éventuellement échapper au fan du Delerm-premier-opus-, mais qu’importe, la voix de Vincent est là, avec une nouvelle chanson, et rien que pour ça, la première chanson est bonne.
Puis vient Allan et Louise. Et là, on peut se demander avec une crainte légitime Mais où donc a bien pu passer le Vincent Delerm du premier album, celui qui faisait rire avec Tes parents, celui qui faisait planer avec La vipère du Gabon, celui qui rendait mélancolique avec Cosmopolitan ? La question n’obtient bien sûr pas de réponse. Vincent semble avoir évolué depuis, et semble insister dans la voie ouverte par Les piqûres d’araignée, à savoir une voix plus juste, une mélodie plus travaillée. Moins de défauts, et inévitablement, un peu moins de caractère.
Je pense à toi ressemble énormément musicalement à Il fait si beau. Cette chanson est la confirmation que Vincent Delerm heureux est moins intéressant que Vincent Delerm nostalgique et cruel. Une chanson gaie et sautillante qui ne plaît pas particulièrement. C’est un peu comme quand Hélène Segara chante L’amour est un soleil ; c’est fade et on préfère quand elle fatalise la vie dans Elle tu l’aimes. Ici, c’est pareil. C’est bien de savoir que Vincent est amoureux, mais quand on ne l’est pas (où qu’on n’ose pas s’avouer qu’on l’est), la chanson devient plutôt banale, et c’est dommage.
Martin Parr débarque comme un ovni. Ou devrais-je dire comme un ufo, dans le sens où Martin se prononce Marteen comme Martine à la plage (ou Martine à la montagne, ou autre). Une chanson d’une minute zéro sept, avec une voix féminine dans les cœurs, un peu fox-trot, un peu rêveuse. Même si la chanson est pas mal, on se sent frustré de n’en avoir eu droit que pendant une minute zéro sept. Le temps de se remettre la chanson, on se précipite sur le petit livret pour regarder la durée des chansons. Et là, on comprend pourquoi il a réussi à mettre quinze chansons dans son album : parce qu’il y en a sept de moins de deux minutes, dont quatre de moins d’une minute trente, dont deux de moins d’une minute. Et là, on se dit, quel blagueur, ce Vincent, seize euros quatre-vingt dix neuf pour trente-deux minutes et douze secondes de musique… Quel garçon généreux, ce Vincent !
Débarque enfin la cinquième chanson de Quinze chansons, Le cœur des volleyeuses bat plus fort pour les volleyeuses. Le bonheur tant attendu depuis des années se fait sentir. Bien sûr Marine était plutôt bien dans Les piqûres d’araignée. Bien sûr, le duo avec Valérie Lemercier sur Favourite songs était plutôt bien. Mais où diable était passé ce talent de Kensington Square – aussi bon que le premier album éponyme, mais dans un autre genre – que j’espérais secrètement à chaque achat delermien ? Dans Le cœur des volleyeuses bat plus fort pour les volleyeuses, probablement. Une chanson complètement bête, de traduction approximative, et terriblement bonne. Là où le talent de Vincent explose, c’est lorsqu’il fait de cette chanson une pastille d’une minute quarante, pile le temps nécessaire pour ne pas avoir envie de se lever pour aller grignoter un truc immonde dans un frigo fraîchement rempli. La chanson est partagée avec Laura Astruc et Albin de la Simone.
Au début d’Et François de Roubaix dans le dos, on ne comprend pas pourquoi Vincent Delerm a décidé de faire un duo avec Evanescence. Puis on réalise que c’est un leurre. Cette chanson colle, pour le coup, totalement avec la période Kensington Square, et précisément avec la chanson Kensington Square. Une espèce de détresse dans la voix, une musique stressante. La solitude, toujours aussi bien décrite. Je n’ai pas boudé mon plaisir, malgré ma moue boudeuse, je l’ai écoutée deux fois.
Cinquante-six secondes pour Dans tes bras. Peut-être voulait-il nous rejouer la carte Catégorie Bukowski. C’est raté. C’est écoutable, mais sans plus.
78 543 habitants est typiquement un titre delermien. Le texte est totalement décousu, très delermien aussi. La musique est, en revanche, assez innovante pour lui. Il faut bien l’avouer, on retombe dans un ton un peu moins fun. La force de Delerm, c’est de composer des musiques enjouées ou mélancolique, mais pas de l’entre-deux. Et c’est là que le texte de Delerm prend toute son ampleur. Là, c’est comme si on mangeait une tartine avec de la confiture. C’est bon, mais avec du beurre, elle aurait été meilleure. Epargnez-moi une humiliation, j’assume ma comparaison pourrie.
Shea Stadium commence sur une musique hymnale (non, ne cherchez pas dans le dictionnaire, ce serait du temps perdu), et des hurlements de stade. Une chanson modeste.
Le premier extrait de Quinze chansons se situe à la place numéro dix. Un temps pour tout ressemble, aux premiers abords, à Sous les avalanches, ce qui peut, encore une fois, décevoir. Or à force de l’écouter, l’air entre en tête, inlassablement, et pollue le cerveau. Si on n’aime pas avoir le cerveau pollué par du Vincent Delerm, il faut éviter d’écouter cette chanson. Cette étape passée, on écoute les paroles, et on réalise qu’enfin, une chanson sur les quinze – au moins – a un sens. Ouf !
L’un des côtés de Vincent que j’aime beaucoup, c’est sa mélancolie, calquée à des mélodies molles et légères à la fois, à la manière de Deauville sans Trintignant, de Gare de Milan, ou d’Ambroise Paré. North Avenue est dans cette veine. C’est beau, et ça s’écoute après avoir reçu une mauvaise note, après s’être fait larguer, après avoir raté son permis de conduire, après s’être fait traiter de Clovis Cornillac. Bref, dans les moments difficiles où l’on doit reconnaître l’échec et se remettre en question, tout simplement.
On sent bien que Vincent se fout royalement de notre gueule sur From a room. Mais comme c’est Vincent qui se fout royalement de notre gueule, on ne peut que lui pardonner et aimer ça.
Sur Un tacle de Patrick Vieira n’est pas une truite en chocolat – wouah quel titre génial que je kiffe sa race ! – on ressent à nouveau bien la patte delermienne (période Les piqûres d’araignée) et ce côté vieillot divinement bon. Des paroles absurdes délicieuses, une musique enjouée. Très très plaisant.
Monterey arrive après une bonne chanson, donc forcément, c’est moins évident d’aimer.
Quinzième chanson de Quinze chansons : La vie est la même. C’est mou, mais c’est un peu le même esprit que North Avenue. Une bonne chanson de fin d’album comme Vincent a l’habitude d’en faire.
Au final, Quinze chansons pourrait frustrer bon nombre d’acheteurs pour sa durée assez courte. Même si le fan delermien dira que Quinze chansons est en deçà du premier album éponyme, et n’égale qu’à peine Kensignton Square, il pourra se consoler en se disant que c’est un meilleur album que Les piqûres d’araignée. Avec des titres excellents et deux ou trois pépites.