Quand la fin du week-end est là, c'est que le début de la semaine n'est pas loin. Sur cette maxime hautement philosophique, j'ai envie de faire oublier les tracas des travailleurs du lundi, de rappeler à chacun qu'il y a toujours pire que soi. Même si le moral n'est pas au beau fixe comme à chaque début de semaine, sache, cher lecteur, chère lectrice, que, durant mon stage, j'ai été moins bien loti que toi. Oh non, je ne me plains pas; j'exprime juste au monde entier ma douleur intérieure d'avoir côtoyé de si près un univers professionnel aussi abominable.
Toi qui te sens brimé(e), escroqué(e), écrasé(e), lesé(e) et autres mots en é (à part pâté et kristofmahé), sache que tu n'es pas le (la) seul(e). Le harcèlement au bureau, c'est beaucoup plus commun qu'on ne le pense. Mon stage ayant été horrible, je me permets d'être le saute-ruisseau de mon propre calvaire. Un calvaire qui a duré dix semaines, mais qui, en fait, se résume au premier jour. Ce lundi premier-jour, je reçois le règlement intérieur des mains-mêmes du patron de l'entreprise. Je comprends instantanément que je suis tombé chez les tarés. Je t'offre, cher lecteur, cher lectrice, un petit florilège des articles de ce règlement intérieur.
Article 7 - (...) Dans toutes les hypothèses, les salariés travaillant dans le même espace ne peuvent pas prendre leur pause en même temps. Ils prennent leur pause à tour de rôle en fonction des impératifs de travail énoncés par la direction.
(Forcément, c'est tellement plus sympa de faire une pause seul, de ne parler à personne pendant que tu bois ton café en face de la machine.)
Article 10 - L'espace de travail étant commun et ouvert, les salariés sont priés de réduire leurs bavardages aux échanges verbaux strictement nécessaires à l'exécution de leurs tâches. Ils n'ont pas à étaler leur vie privée, leurs difficultés du jour, leurs états d'âme du moment entre eux.
(Autrement dit, interdiction de parler librement, de demander des nouvelles de ses collègues, limite de dire Bonjour en arrivant le matin, puisque ce n'est pas une paroles "nécessaire à l'exécution [des] tâches". Une vraie bonne ambiance, donc...)
Article 13 - Aucune personnalisation de son bureau n'est autorisée. Aucun affichage sauvage ne sera toléré sur les murs de l'espace de travail ou sur les ordinateurs. Aucun post-it ou autre document ne sera placardé au mur.
(Il va de soi que les fonds d'écran personnels et les économiseurs d'écran étaient également prohibés.)
Article 14 - Les écrans d'ordinateurs devront être toujours face au plan de travail. (...) Ceux-ci ne peuvent pas être disposés en angle mort.
(Cet article implique que les patrons puissent à tout moment jeter un coup d'oeil sur l'écran des employés. On ne sait jamais, des fois que je me sois fait un petit porno au bureau, avec les patrons dans la même pièce que moi.)
Article 16 - L'usage d'un déodorant est obligatoire pour ne pas incommoder ses collègues de bureau.
(Je suis très porté sur l'hygiène. En revanche, je ne crois pas qu'un patron ait le droit d'obliger une telle chose à ses salariés.)
Article 23 - Les chewing-gums sont interdits. Les canettes sont interdites. (...) Aucun consommable utilisé (sachet de thé, emballage lingettes, papier sucre, bâtonnets de sucette...) ne doit traîner sur les bureaux ou dans les tasses et les soucoupes. Les sachets de thé, d'infusions ou autres boissons seront pliés dans un papier avant d'être jetés à la poubelle.
(Oui, je sais, ça donne envie de travailler là-bas...)
Article 24 - Les pauses cigarettes seront prises en-dehors des tranches horaires de présence.
(Fumer une cigarette en-dehors du temps de travail, voilà une belle définition du mot pause...)
Et enfin, j'ai gardé mon passage préféré pour la fin :
Article 12 - (...) Il est interdit de manger ses stylos, attitude qui accélère leur usure et donne une image déplorable aux visiteurs.
(Je l'avoue, j'en suis resté coi.)