Je hais les adultes. Ils sont la source de tous les maux de la Terre. Ils sont le déclic de tous les traumatismes infantiles. D'où vient cette manie d'inventer des histoires improbables dignes des histoires extraordinaires de Pierre Bellemarre ? D'où vient cet incroyable besoin de faire croire aux enfants tout et n'importe quoi ? Parce qu'on est candide et naïf aux temps des baby-gros et des fraises Tagada, on gobe tout ce que les adultes nous disent, et ce sont des lésions qui peuvent perdurer la vie durant.
Le premier foutage de gueule est, bien sûr, le père Noël. Faire croire qu'un gros monsieur barbu et dodu qui a cent ans depuis des siècles distribue des cadeaux à tous les enfants de la Terre, en se baladant en traîneau à travers ciel et en passant par la cheminée, ça sent quand même la grosse arnaque. Mais le gamin, doux rêveur qu'il est, y croit. Et lorsqu'en CP, son copain de classe Hugo vient, fier de son scoop, lui dire tout de go que le père Noël n'existe pas, que c'est papa et maman qui achètent des cadeaux et que c'est tonton Marcel qui se déguise en père Noël, c'est un mythe qui s'écroule. C'est comme la petite souris. La petite souris, elle sait que la prémolaire supérieure gauche est tombée dans la journée, et elle va rapporter un petit cadeau. Elle est quand même balèze, la petite souris. Avec ses 150 grammes et ses quatre petites pattes qui servent à marcher, elle est capable de transporter un livre de poche. Si ça, c'est pas abuser de la crédulité des enfants qui ont encore un doudou, je ne sais pas ce que c'est. Ne parlons pas des cloches et du lapin qui se démènent chaque année pour jeter des oeufs en chocolat qu'il faut chercher le dimanche de Pâques. Et comme les cloches sont intelligentes, elles jettent les oeufs en chocolats dans le jardin ou dans la maison, mais jamais en plein milieu de l'autoroute. C'est fort.
Il faut aussi arrêter de faire croire aux enfants que si on fait une grimace et que simultanément - pas de bol - il y a un coup de vent, on gardera cette tête en train de loucher à vie. Parce que déjà que faire une grimace devant ses copains de classe pour les faire rire, c'est ridicule, mais si en plus il faut bien faire attention que le vent ne souffle pas en même temps, ça oblige à le faire dans la salle de classe, et c'est plutôt une mauvaise idée. Et pourquoi répandre cette légende de l'eau de la piscine qui devient rouge ou bleue en cas de contact avec le pipi ? Hein ? C'est encore pour faire peur aux enfants. C'est là qu'on se rend compte qu'avant d'être pris pour des imbéciles par ses supérieurs hiérarchiques dans la vie active, on est déjà pris pour des neuneus par les adultes pendant l'enfance.
Ce qu'on dit à l'école peut également être source de graves chocs. Quand en maternelle ou au primaire, la maîtresse écrit au tableau et se retourne sur Victor qui vient de jeter un avion en papier sur Maéva pour lui dire Attention, je t'ai vu, Victor, j'ai des yeux derrière la tête, on ne peut qu'en déduire que maîtresse Martine est un alien, qui, sous ses cheveux permanentés, a deux gros globes oculaires invisibles que seule elle possède. Pas étonant que la vieille maîtresse fasse peur après. Et quid du jour de la photo de classe ou le vieux photographe moustachu nous dit de dire cheese au moment où le petit oiseau va sortir ? Comme si on était beau en prononçant cheese...
Je voudrais ensuite rendre hommage à tous ces malheureux enfants à qui l'on a forcé d'engloutir des montagnes de carottes pour les rendre aimables. Sans oublier le grand nombre de petits, oui de petits, qui ont été contraints de boire des litres et des litres de soupe pour grandir. Tout ça pour parvenir à faire manger les légumes du potager de pépé. Et puisqu'on est dans les légumes, restons-y. Je voudrais dénoncer cette imbécillité qui consiste à abuser - encore - de la naïveté des enfants en leur faisant croire que les filles naissent dans les roses, et les garçons, dans les choux. Beaucoup moins glam pour les garçons.
Alors oui, chers enfants, on vous ment. Les adultes se moquent de vous. Non, il n'y a pas de monstre-alligator sous le lit qui vous empêche de vous relever le soir avant de dormir. Non, la maison des sorcières au bout de la rue n'existe pas. Non, les chanteurs à la radio ne sont vraiment dans la radio, tout comme les gens à la télé ne sont pas vraiment dans la télé. Non, il n'y a pas de marchand de sable qui passe le soir pour que vous soyez fatigués. Le désert du Sahara ne pleuvra jamais sur votre lit. Il faut arrêter de croire n'importe quoi. C'est en grandissant que l'on comprend certains mensonges. Peut-être ont-ils du bon. Même si les carottes rendent aimable, il n'est pas interdit de ne pas en manger. Même si le vent fige les grimaces, il n'est pas interdit d'en faire. Même si certaines pratiques solitaires rendent sourd, il n'est pas interdit de se laisser tenter.
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