1 juil. 2008
Et moi, et moi, et moi...
Le dernier numéro de Marianne propose un dossier particulièrement réjouissant sur les Narcisse, ces gens qui s'aiment un peu trop, qui s'admirent, qui se vénèrent...
Dans une société où le pouvoir est personnifié, il est tout à fait logique que l'être humain voue un culte débordant à sa propre personne. Et le fait d'être dans la lumière, tel un acteur, un sportif ou un patron médiatique, accentue irrémédiablement ce sentiment d'être unique et de se complaire dans une admiration sans borne pour soi-même.
La personne narcissique ne pense qu'à elle et ne parle que d'elle... A la troisième personne, bien sûr. Le champion toutes catégories est sans conteste une caricature de lui-même, « leur maître à tous » : Delon. « Dans la rue, quand on vient vers moi, il faut que je sois encore mieux que ce qu'on attend de Delon (sic) » [Paris Match, 6 juillet 2006].
Au fil des pages de ce formidable dossier où le moi explose, où le je est roi, où l'ego est central, on comprend que les Narcisse sont partout à la télé, dans les magazines. Le Narcisse peut prendre la forme d'un sélectionneur de foot qui ne pense qu'à sa petite personne après une défaite, en demandant sa chérie en mariage. Le Narcisse peut prendre la forme d'une ministre de la Justice qui se rend au bureau en tailleur Dior, talons (ultra) hauts. Le Narcisse peut prendre la forme d'un ancien ministre de la Culture qui revendique la paternité de bon nombre d'initiatives (oui, la Fête de la musique, on sait !) se croyant «indispensable à la bonne marche du monde». Le Narcisse peut prendre la forme d'un homme d'église, un sage, qui jubile sur les plateaux de Fogiel ou d'Ardisson en jouant le rôle du « prélat qui dit du mal de l'Eglise ». Le Narcisse peut prendre la forme d'une figure emblématique de la haute couture, qui n'a pu qu'apprécier qu'une grande campagne de pub pour le gilet jaune et moche qui peut sauver des vies ne repose uniquement que sur son indéniable notoriété. Le Narcisse peut prendre la forme d'un patron, tellement fou de lui-même qu'il pousse le vice jusqu'à être le protagoniste des publicités pour vendre ses lunettes. Le Narcisse peut aussi prendre la forme d'un chanteur pour bobos qui kiffe à mort de chanter ses chansons (à sens, puisqu'il les a écrites), mais qui kiffe beaucoup moins de répondre aux questions des animateurs, ces vils incompétents. Le journaliste ose même : « C'est quand le bonheur ? [...] Quand il se taira ! ».
Marianne nous offre donc cette semaine plus d'une trentaine de portraits, parfois assassins, sur les grands amoureux d'eux-mêmes. De Cissé à Jospin en passant par Elkabbach, de Leclerc à Angot en passant par Van Damme, les égratignés sont nombreux. Mais que voulez-vous, il faut se satisfaire comme on peut. Si les êtres narcissiquement géniaux éprouvent un incommensurable plaisir à s'admirer dans le miroir habilement placé en face de leur doux visage, laissons-les faire, qu'ils en profitent. Certains existent dans le regard du plus grand nombre: d'autres, comme le disait Rousseau, se satisfont d'un regard intérieur, à l'instar du mythe Narcisse, tombé amoureux de son propre reflet.
Il est bien évident que de nombreux Narcisse sont absents de ce dossier. La preuve, l'exceptionnel (et modeste) Rhum Raisin n'y figure pas. C'est un comble pour un garçon aussi merveilleux, non ? Allez, je vous laisse. Je vais me contempler. Vraiment.
[Marianne, en kiosques depuis le 28 juin]
Inscription à :
Publier les commentaires (Atom)
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire