21 févr. 2009

Zoné

La zone B est maintenant en vacances. Je me souviens de ce temps déjà si loin où j'aimais appartenir à la zone qui était la troisième à entrer dans les vacances scolaires. Je me plaisais - sans doute était-ce mon côté sadique, mesquin et détestable qui s'affirmait fièrement - à imaginer ce même moi, mais en différent, habitant Bordeaux, Paris ou Amiens, qui, lui, finissait dans la tristesse des douces vacances, songeant lui aussi à son autre lui - moi, en l'occurrence - habitant C., par exemple, et qui entamais dans un état extatique de fatigue à rattraper paisiblement ses vacances d'hiver.

Bien sûr, quand on est écolier, collégien ou lycéen, les petites vacances scolaires - bien qu'indispensables et appréhendées avec joie - sont souvent, voire toujours, synonymes de devoirs à faire à la maison ; ce fameux DM de maths ou cette fameuse dissertation de français à rendre à la rentrée. C'est typiquement le genre de travaux qui bousillent complètement deux semaines d'insouciance. Même si, en vrai, ils bousillent surtout les deux ou trois - voire juste le dernier - jours de vacances dans le sens où rares sont les élèves à se soucier de ces tares dès la première semaine de vacances, j'écris volontairement "complètement deux semaines d'insouciance" puisque dans le cas d'un élève studieux comme je le fus, le DM de maths ou la dissert de français me rendaient malade et occupaient toute la place disponible de mon cerveau durant les trois premiers quarts de mes vacances, même si celles-ci n'étaient pas totalement consacrées à l'école, bien sûr que non.

Je savais bien que les deux semaines allaient me sembler courtes. Deux semaines entières à ne rien faire, à rester chez moi, seul, à sortir juste de temps en temps. Le temps allait passer si vite, à moi qui aimais la solitude, surtout à partir de l'adolescence. Cette solitude était l'occasion de m'adonner à l'un de mes passe-temps favoris : le classement. Je ne parle pas là de rangement, de tri de papiers ou de mise en ordre de ma chambre plus ou moins bien rangée, non. Je parle des classements, des listes de tous les noms propres que je pouvais classer et organiser comme bon me semblait, de la place favorite, la première, à la lie. Je classais les chansons, bien sûr, mais mon péché mignon était surtout le classement de mes profs et de mes camarades de classe, sur des listes distinctes. Je les évaluais selon des critères très précis - intérêt qui m'était porté, beauté, humour, amitié... - et je leur attribuais une note mûrement réfléchie, oscillant sur une échelle de zéro à vingt. Le classement hebdomadaire de mes amis, puis de mes profs, était établi. Bien sûr aujourd'hui, je ne classe plus mes amis, mais le ver est dans la pomme. Je ne peux m'empêcher d'insérer une dose de hiérarchie dans mes connaissances.

J'ignore un peu pourquoi mes doigts ont décidé, ce soir, de taper tous ces mots-ci, alors que ce n'était pas ce que j'avais prévu. Mais ce que je sais, c'est que, à la différence de la zone B qui termine ses vacances, à la différence encore de la zone C qui poursuit les siennes, et à la différence enfin de la zone A qui termine les siennes (dans la tristesse, donc), moi, je n'en ai pas, et à cause de ça, je suis miné, un peu comme Bernard.

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