29 juin 2009

Vois comme c'est dur de t'étonner

Se soustraire à des règles d'hygiène démesurées, s'infliger une vie d'ascète, tendre à une existence saine et bien rangée... telles sont trois des ouatemille articles de bonne conduite de Rhum Raisin. Malgré cela, la douleur s'abat régulièrement sur mes pauvres petites épaules. À croire que faire du sport et s'entretenir n'offre aucune récompense, pire, vous punit sévèrement.

Oh non, je ne parle pas de ces poussières d'yeux qui me pourrissent mes soirées télé, seul à me frotter les yeux à en faire des énormes litchis douloureux. Je ne parle pas non plus de cette mâchoire qui me fait si mal après ces longues heures passées à faire je ne sais quoi avec la bouche, m'infligeant a posteriori cette désagréable sensation d'avoir mâché du chewing-gum dur vingt-quatre heures sur vingt-quatre depuis huit jours. Je ne parle toujours pas de cette douleur au coeur qui me lance si fort parfois que j'ai l'impression de me diriger tout droit vers l'infarctus à un âge où la crise cardiaque fatale est une cause de décès assez peu répandue. Non, ce qui me couvre de douleur depuis trois jours, je vais t'étonner, cher lecteur, chère lectrice, c'est que je tétonne.

Aussi curieux que cela puisse paraître, tétonner ne fait pas un bien fou. Au contraire. Cette douce sensation qu'on vous mutile les tétons en les râpant sadiquement avec une râpe à noix de muscade est un terrible supplice qui vous fait sortir les larmes sans forcer. Mais comment est-ce possible de souffrir autant des tétons quand on est de sexe masculin, qu'on n'a pas de bébé qui aspire du lait sans se rendre compte que ça ne procure pas forcément de plaisir au sein, et qu'on n'a pas de piercing qui aurait dégénéré et déclenché une malencontreuse infection de pus jaunâtre au bout du téton ? J'avoue que je suis encore perplexe.

Il se trouve que vendredi soir, vers 21 heures, je suis sorti courir au parc. Je suis sorti courir tard pour oser espérer un minimum de passants. Fièrement vêtu de mon short et de mon t-shirt blanc col en V, je suis parti trottinant joyeusement parmi les feuilles des arbres de la ville et le vent léger. Malheureusement, plus je m'éloignais de mon domicile et plus je remarquais que de vilains nuages noirs se dessinaient d'une manière persistante à travers le ciel auparavant si bleu. Mon pressentiment s'est révélé juste. Alors que mon rythme cardiaque s'accélérait au fur et à mesure que mon pas se pressait, des gouttelettes venaient s'échouer sur mon visage, tel des mini-brumisateurs bénéfiques au teint de ma peau. Puis il s'est soudain mis franchement à pleuvoir des gouttes énormes.

Bravant la météo défavorable, j'ai décidé de continuer ma course effrénée en faisant des enjambées aussi grandes que mes jambes pouvaient me le permettre. Tel un héros des temps modernes, je courais sous la pluie, sans jamais m'abriter. La pluie est stimulante. Elle procure un plaisir qui fait qu'on n'est pas essoufflé et qu'on est heureux de courir, comme si c'était un exploît. Tu te dis certainement, cher lecteur, chère lectrice, que je m'égare et m'éloigne dangereusement de mon histoire de douleur aux tétons. Et pourtant non, j'y arrive.

En courant sous l'eau, j'étais devenu en quelque sorte une grosse flaque. Un peu comme si je dégoulinait de sueur comme un footballeur après son match ou comme un Johnny Hallyday après son concert, sauf que moi, ce n'était pas de la transpiration. Le gros problème intime que je traîne comme un boulet depuis des années et que j'avais un peu oublié, c'est que mes tétons ne supportent pas le contact avec un tissu mouillé. Or le frottement du t-shirt blanc col en V a déclenché une réaction que je maudis encore à l'heure actuelle. Le perpétuel effleurement du tissu sur la protubérance tétonne a eu raison de ma bonne humeur et a provoqué une irritation insoutenable.

Ces quelques mots peuvent paraître anodins mais ils sont le fruit d'une détresse profonde qui me pousse à me demander quelle est cette douleur, docteur. Je ressens comme un arrachement des tétons à chaque un instant, en particulier lors de la douche, comme si on les grattait jusqu'au sang, comme si on les pressait avec des ongles pointus. Si un médecin passe par là, merci de m'indiquer comment calmer ce mal. Je suis confus d'avoir étalé mon intimité ainsi, mais ce cri était une façon de partager ma douleur.

(Et dire qu'on va vraiment finir par croire que je suis toujours le modèle de mes illsutrations...)

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