3 juil. 2009

Liquéfaction instantanée

Voici encore un post qui parle de moi. J'avoue que ça ne me ressemble pas vraiment d'étaler mes états d'âme. C'est sans doute dû à la chaleur qui me tape sur le système et qui me fait raconter n'importe quoi au monde entier. Le soleil (soleil) brûle mon cerveau, qui, dès lors, n'est plus capable de me raisonner.

Le paradoxe d'un Rhum Raisin normal est qu'il peut autant se sentir à l'aise avec quelqu'un que mal à l'aise. Chacun peut se sentir destabilisé face à une personne qui impressionne/ qui fait peur/ qui attire. Mon gros problème à moi est que je peux devenir totalement teubé devant quelqu'un qui m'impressionne/ qui me fait peur/ qui m'attire. Je peux me retrouver en face de cette personne et ne totaliser plus que trois mots dans mon vocabulaire, ce qui me fait automatiquement passer pour un niais. Je peux parfois sourire bêtement, aussi. Ajoutez à cela une trentaine de degrés, un air moîte et une transpiration qui s'accélère, et les dessous de manches de mon polo rose pâle peuvent vite virer au fuchsia.

Cette situation embarrassante (sans la transpiration accrue, pour cause de bus climatisé) s'est produite ce soir, en rentrant du boulot, dans le bus, justement. Or, là, ce n'est pas une personne qui m'impressionne/ qui me fait peur/ qui m'attire que j'ai croisée. Il s'agit seulement de Marie. Cette Marie-là, je ne l'avais pas revue depuis douze ou treize ans. A l'époque, quand nous faisions du théâtre ensemble, je m'entendais bien avec Marie. Nous nous sommes d'ailleurs quittés en bons termes. Et depuis, plus rien. Nous ne nous sommes jamais reparlé, jamais recroisés, jamais envoyé de sms pour une raison simple : il y a douze ou treize ans, nous n'avions ni l'un ni l'autre de portable, d'où la difficulté d'avoir l'idée de s'échanger les numéros de téléphone.

Là se tient un autre pan de ma personnalité que j'arrive moi-même assez mal à comprendre. Lorsque je croise quelqu'un de ma vie d'avant, avec qui je n'ai eu aucune relation amicale ou autre depuis des années, je suis gêné. Et gêné est un euphémisme. Je ne sais pas quoi lui dire, quoi lui raconter, ni même quelle attitude adopter. Un sourire, une ignorance, un discret Bonjour... Je ne sais pas. Parfois je me dis que je préfèrerais mille fois croiser mon pire ennemi de tous les temps, que je n'ai pas croisé depuis des années non plus, parce qu'au moins je sais que ma réaction ne serait pas ambigüe; nous nous ignorerions, point.

Mais là, j'ai croisé Marie. J'étais tranquillement assis dans le bus quand elle est montée. J'ai immédiatement tourné la tête vers la fenêtre, le plus possible pour qu'elle ne voie que mes cheveux et ma nuque, afin qu'elle ne me dise pas Tiens Rhum, ça fait longtemps, bla bla bla, gnin gnin gnin gnin... Et là, la conne, elle se plante juste à côté de moi, debout, presque face à mon profil. Moi, je n'avais toujours rien à lui dire. Et j'ai prié pour qu'elle ne me reconnaisse pas. Parce que oui, on s'aimait bien avant, mais c'est si loin maintenant. Je pensais, ô malheureux que je suis, qu'elle allait descendre à un arrêt antérieur au mien, afin que je puisse descendre à mon tour, paisiblement.

Mais non. Mon arrêt est arrivé et Marie n'est pas partie. On aurait dit que Marie prenait un malin plaisir à me voir le cou tourné, prêt à me déclencher un torticolis pour les besoins de ma planque de fortune. Un arrêt. Deux arrêts. Puis trois. Quatre. Cinq. Marie est descendue cinq arrêts après le mien. Il a donc fallu que j'attende le sixième arrêt après le mien pour pouvoir enfin tourner ma tête et sortir de ce pu§!$?\in de bus. Tout ça pour éviter de croiser son regard et partir dans une conversation stérile à parler de nos actualités mutuelles, alors qu'on se porte très bien, chacun de notre côté, sans savoir de quoi sont composées nos vies respectives. Parfois, je suis triste de réagir comme ça. Mais je me console en me disant que, au moins, mon polo rose n'est pas devenu fuchsia à cause de maudites auréoles de transpiration causées par un stress intense indomptable à la vue de quelqu'un qui m'impressionne/ qui me fait peur/ qui m'attire ou, donc, que je n'ai pas vu depuis très longtemps.

Non, je ne veux pas t'induire en erreur. Ce n'est toujours pas moi, là, en photo. Je suis un peu moins bronzé en vrai.

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