10 nov. 2010

La boîte à pharmacie – Véhef 2

Mais que signifie donc ce titre mystérieux ? te dis-tu probablement mon cher lecteur (ou ma chère lectrice). Eh bien la boîte à pharmacie de Rhum Raisin regorge de pépites musicales toutes plus grandioses les unes que les autres. Tu le sais, j’aime par-dessus-presque-tout les chansons françaises. Je n’ai pas honte d’aimer ce qu’il est de bon ton de dénigrer en société. Et s’il y a bien une niche musicale qui me plaît particulièrement, ce sont les reprises de standards étrangers en français. Je trouve absolument délicieux de découvrir une véhef alors que l’on connaît (et que l’on aime) la vého. Bien souvent, à mes oreilles, même s’il existe parfois du second degré dans mon plaisir à écouter des chansons, les véhefs ont davantage de cachet que les véhos. D’où la boîte à pharmacie. Je suis désolé de ce rapprochement farfelu et totalement pourri.

Oh oui, je sais que tu te dis là que ces mots te rappellent quelque chose. En effet, j’ai entièrement recopié le paragraphe introductif du premier volet de la boîte à pharmacie.

Ce deuxième titre à cachet m’a été inspiré par le film Flashdance, formidablement chroniqué ici. La première chanson du film, ainsi que celle de la scène de l’audition, est interprétée par Irene Cara, qui n’est pas la mère de Cécilia. What a feeling est un tube tel qu’on n’en fait plus aujourd’hui, tant il est daté et ancré dans les années 80. Et pourtant, le sujet de la chanson est très positif, bien qu’un peu naïf. La jeune héroïne vit une période difficile. Elle est seule et désœuvrée, au milieu d’un monde dur comme la pierre, et elle pleure des larmes silencieuses pleines de fierté. Forcément, me direz-vous, une larme est, par définition, silencieuse, puisque ce sont les pleurs qui l’accompagnent qui, eux, peuvent être bruyants. Mais ce sont bien sûr la niaiserie des paroles qui forgent son charme. Cette jeune héroïne se réfugie alors dans la musique pour oublier sa triste existence. Et là, c’est la révélation : le rythme, le piano, le chant… Tout dans la musique l’enivre de plaisir. What a feeling ! La passion s’installe sans avoir été invitée, les images viennent à l’esprit instantanément, et la danse prend possession de la jeune fille. Cette chanson est donc une communion, un plaisir charnel avec la musique. Quand la musique transcende et transperce le cœur d’une jeune fille un peu perdue.

Il existe deux versions françaises de What a feeling. Malheureusement, les deux véhefs ne parviennent pas à retranscrire assez impeccablement la juste sensation de la vého.

Sylvie Vartan, avec Karen Cheryl et Mireille Mathieu, est l’une de nos chanteuses qui a le plus repris de standards anglo-saxons. En 1983, elle chante Danse ta vie. Le thème de la danse est donc le centre des paroles. C’est un bon point. Oui, mais voilà…



Danse dans le silence
Sur la scène de ta vie
Et puis danse sur tes larmes
Et l'amour enfui

Je crois que faire plus abstrait, on ne peut pas. De la vého, Sylvie garde l’idée des larmes silencieuses, mais les dissocie, ce qui perd évidemment tout sens. À chacun ensuite d’imaginer quelqu’un danser dans le silence. Le spectacle doit être passionnant.


Danse seul dans ta tête
Fais un geste, fais un pas
La musique est en toi
Danse-la !

Là où Irene Cara envoyait une image de danseuse en parfaite fusion érotique avec la musique, Sylvie Vartan nous renvoie plutôt l’image d’un autiste qui s’essaie de façon besogneuse à la danse. Le rendu est moins glam', du coup.


Danse ta liberté
Dans la foule ou le bruit
Si tu vis, alors danse ta vie !

Madame Play-back se répète un peu. J’aimerais bien savoir comment s’y prendre pour danser sa liberté quand on n’est pas un zazou. À noter qu’elle rectifie le tir en demandant de danser dans le bruit, et dans la foule, pendant un flashmob de Lady Gaga (ou d’Émile et Images, bien que plus rare).


L'évidence, c'est la danse !
Invente une musique et ta vie, danse-la !
Suis la lumière imaginaire
D'un soleil qui n'existera rien que pour toi !

Les paroles de cette version donnent quand même l’impression qu’elles ont été pondues en cinq minutes avant d’enregistrer le titre. Toutefois, la façon dont Sylvie chante L’évidence, avec cette conviction qui n’appartient qu’à elle, est assez plaisante. Enfin, summum de l’abstrait : Suis la lumière imaginaire… Un peu comme les Rois Mages, en Galilée.


J'ai dansé sur des peines
Pour m'en faire des sourires

Sylvie, à défaut d’être la reine des chanteuses, est la reine de l’autodérision. Elle est lucide et avoue volontiers que sa façon de danser est risible.


J'ai dansé sur des chaînes
Pour m'enfuir !

Coquine, va !


L'évidence, c'est la danse !
Tu existes, alors toute ta vie, danse-la !

Retour des paroles faciles.


Sur un fil !

Ah ! Une audace textuelle. La danse se fait sur un fil, pour espérer un jour passer dans Le plus grand cabaret du monde


Invisible

…Avec Dani Lary.


Sur le fil des jours, tes amours tu danseras
Alors danse !

Elle en deviendrait presque autoritaire. Une vraie MILF qui ne veut qu’assumer ses fantasmes les plus profonds.

Au final, Danse ta vie est très vintage, avec une voix un peu désynchronisée, qui ne colle pas vraiment avec l’esprit innocent un plein de vie de la vého. C’est très dommage. Niveau qualité, la version de 2002, Cette vie nouvelle par Priscilla est meilleure.



Moi, tout petit moi

Premiers mots : Priscilla (qui n’a que 3 ans de moins que moi, je l’ai toujours vue comme une gamine #choc) ne parle pas d’elle, mais parle d’un enfant en général, parce que Priscilla s’adresse à un public mixte, évidemment.


Je revois ces années
Traverser comme un pas de poupée

Je sens qu’on ne va pas être à un paradoxe près… Forcément, on est loin du thème initial. Cette véhef est un hymne à une vie nouvelle qui s’amorce. On pourrait croire que l’enfance a passé trop vite, et pourtant, Priscilla chante que cette enfance a passé comme un pas de poupée, autrement dit a été bien lente à évoluer, avec une petite pointe d’immobilisme que l’on décèle facilement.


Découvrir que le jeu, c’est grandir au milieu
D'une terre faite de fer, et de feu...

Euh… oui ? J’adore les jeux.


Alors arrive la musique

Ah… Mais si en fait, l’idée de la vého perdure. Le message est le même. La musique va résoudre tous les problèmes et elle va pouvoir faire l’amour avec. Enfin, dans sa future vie nouvelle, parce que là, elle est encore un peu jeune.


Comme un grand oiseau blanc

Priscilla a donc eu plus de chance que Ringo qui était tombé, lui, sur un grand corbeau noir.


Un éclair, une lumière, droit devant

En fait le grand oiseau blanc et le grand corbeau noir attirent un peu avec les mêmes méthodes, mais la fin est différente.


What a feeling, bein's believin

Reprise en vého, pourquoi pas.


Plus léger que l'air du plus clair hiver dehors

Pour donner une image au mot léger, j’aurais plutôt parlé de l’été, moi. Là, avec l’hiver, je ne comprends pas trop le sens.


Cette vie nouvelle
C'est elle qui m’appelle
Si belle et si triste, que je ne lui résiste pas

C’est donc la version des années 2000 de la sublime chanson Quelque chose dans mon cœur d’Elsa.


Elle est ma force magique,
C'est malgré moi qu'elle déchaîne
Toutes ces peines, toutes ces joies,
Dans ma voie

Toute la subtilité de ce passage nul tient au dernier mot et à son homonymie. (Ah non, mince, c’est Priscilla qui chante, c’est vrai, sa voix reste aussi plate que sa poitrine de l’époque)


What a feeling, bein's believin

Re, donc.


Prête à tout offrir,
Et peut-être à tout souffrir !

Belle rime riche. Il y avait aussi « Prête à tout offrir, comme une belle poêle à frire », mais ça n’a pas été retenu.


Cette vie nouvelle
C'est elle qui m'appelle
Où le ciel est pur, elle m'emmène sur ses ailes

Je pense qu’elle a confondu la musique avec Marie-Rose et son soulier magique.


What a feeling, bein's believin

Encore, donc.


Je pourrais danser et chanter
La vie entière

C’est sur cette fin suspendue que s’achève cette véhef. Bien sûr, cette version-là est plus agréable à l’oreille que Danse ta vie, puisque la voix de Priscilla est caméléon et la musique est réadaptée. Sylvie est rejetée dans les abîmes du kitsch.

2 commentaires:

Pierre a dit…

C'est incroyable comme Sylvie peut plomber l'ambiance d'une chanson avec son ton, sa diction...
Des deux, je préfère évidemment moi aussi la version de Priscilla et son grand oiseau blanc, bien que n'étant pas fan de son début de carrière (à Priscilla, pas au grand oiseau blanc). Toutefois, je ne vois pas la subtilité du passage "C'est malgré moi qu'elle déchaîne/
Toutes ces peines, toutes ces joies/
Dans ma voie". En fait, je dois l'avouer, si voie est écrit comme ça et pas comme son homonyme, je ne vois (ha ha) juste pas du tout ce que ça peut vouloir dire.

Rhum Raisin a dit…

(Pardon, le SAV rhumanesque n'est plus ce qu'il était...)
En fait, j'ai recopié l'orthographe du mot voie sur un site de paroles que je consulte régulièrement. Effectivement, le x à la place du e serait peut-être plus approprié au thème de cette chanson, la musique. Mais voie indique probablement le parcours semé d'embûches auquel la jeune artiste se destine. On pourrait aussi trouver d'autres significations, un peu tordues, mais je préfère m'en tenir là.