Aujourd’hui il a neigé sur C.. Pas des petits flocons innocents disparaissant au contact du vilain goudron réchauffé par les gaz d’échappement. Non, des petits flocons tout aussi innocents, mais s’agrippant à une hauteur de quinze centimètres au-dessus du sol de C., qu’ils n’avaient pas vu depuis de longs mois. Evidemment, les organisations de cette ville, souvent aussi lamentable que dépassée par les événements, n’avaient pas prévu la neige pour ce matin. J’ai été contraint de ne pas utiliser les transports en commun, quasi inexistants, me permettant probablement d’éviter un accident de rétroviseur sur la vitre ou une rencontre inopportune avec l’une des nombreuses personnes pour lesquelles je remercie chaque jour le ciel ne pas me les avoir mises sur mon chemin (aujourd’hui encore, donc, merci).
A 10h12, j’ai reçu un texto qui m’a fait chaud au cœur. En raison de chutes de neige, le réseau bus/tram est fortement perturbé ce mardi 23 janvier. Cordialement. C’était un message de la société des transports urbains de C.. C’est une belle preuve que la ville a fait tout son possible pour dégager les rues enneigées. Bien sûr, au moment où j’écris, les flocons continuent de choir paisiblement, et moi, de m’occuper chez moi, paisiblement. Puisque, évidemment, je ne peux pas sortir. Ce n’est pas à cause de l’absence de bus que je ne peux pas sortir. Non, c’est parce que mon Mixa Intensif® et mon Dermophil Indien® ne sont pas assez efficaces pour préserver l’éclat de mon teint par ce froid. Si je tente de sortir de chez moi, je fais prendre le risque à ma peau de rougir affreusement et de se dessécher. Et si je gratte, mes joues vont à nouveau saigner, et à force de saigner, de laides croûtes risquent de se former, ressemblant à d’ignobles prurits, ou pis encore, à du sang séché de staphylocoque doré. Ces croûtes renfermeront du pus, en grande quantité, que je devrai extraire en perçant pour qu’il gicle sur le tapis de la salle de bains. Il faudra alors que je racle mon visage, avec un économe, pour retirer les plaques brunes durcies. Ma tête raclée aura perdu un centimètre d’épaisseur, et je ne ressemblerai plus à rien. Mes yeux sortiront de ma tête, ma peau piquera comme si j’étais un fakir de visage, et je pleurerai. Et je pleurerai tellement que je me viderai de toute mon eau. Ceci n’aidera même pas à combler le manque d’eau des nappes phréatiques, et je serai devenu maigre, sec, et moche pour rien, et je m’effriterai, comme de la paille, sur laquelle les chevaux viendront déféquer sans savoir que ce sont des toilettes en or massif. Et peut-être que je deviendrai du purin, ou au mieux du papier recyclé.
Alors, c’est bien gentil d’écrire Cordialement à la fin du texto, mais je ne trouve pas ça cordial du tout. Je vais donc être obligé de me rendre à pied à l’endroit où je dois aller cet après-midi, bravant la neige, la tempête de flocons s’abattant sur mon corps à au moins 8 kmh-1, et le froid. Mais comme je suis Rhum Raisin, je ne deviendrai ni rouge, ni croûté, ni desséché. Heureusement que mon organisme sait s’autoréguler.
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