101…
Ça rime avec rien…
(- C’est bon, tu vas pas nous faire toutes les déclinaisons jusqu’à 200!
- Hein? Ah pardon. Je me reprends.)
Je n’étais pas plus triste que d’habitude, et pourtant j’ai presque eu envie de pleurer lors des quatre bandes-annonces qui ont précédé le film. J’étais assurément dans un autre état d’esprit que lorsque j’ai ri sans honte aucune, et même avec joie, vendredi à la bande-annonce des Vacances de Mr. Bean. Aujourd’hui, j’étais heureux d’aller au cinéma (ce qui ne veut pas dire que je n’ai éprouvé aucun plaisir à y aller aussi vendredi, puis samedi (ce qui fait donc un total de trois séances en trois jours, chose assez exceptionnelle pour être soulignée)), et je n’étais donc nullement prédisposé à être ému, ni à pleurer. Malgré moi, je sentais les larmes monter, même pendant les bandes-annonces (je sais, je me répète), et j’ai compris qu’il allait falloir faire preuve d’une grande concentration pour ne pas laisser ma sensibilité prendre le dessus, et ainsi bousiller quinze minutes d’étalage consciencieux de crème destiné à doter mon teint d’une luminosité parfaite, à cause d’éventuelles maudites gouttes d’eau salée dégoulinant de mes yeux.
Au début, le spectateur français typique, qui a décidé de son plein gré d’aller voir ce film, a forcément de la sympathie, peut-être même de l’admiration pour Edith. Ce n’est pas avec l’attachante Edith enfant que ce spectateur changera d’avis. Il se laissera entraîner par l’atmosphère de la rue, les bonnes goualantes, les passants qui jettent quatre sous à terre, la bonne humeur apparente de cette époque. Même lorsqu’une fille de joie du bordel grand-maternel se charge de la protection de l’enfant et de ses occupations quotidiennes, le spectateur ne pourra pas s’empêcher d’esquisser un sourire de tendresse. Abandonnée par sa mère, Edith mène une vie itinérante. Le film mise sur l’insouciance de la jeune femme, sa tendance à boire pour ne retenir que le meilleur de sa vie, l’euphorie, provoquée par elle-même, des soirées qu’elle passe en compagnie de ses sincères, et parfois moins sincères, amis. Certains seconds rôles ne sont pas exploités à leur juste valeur, mais qu’importe, puisque la magie des chansons transporte le film dans un autre temps.
Si le spectateur français typique voit Edith comme une sainte, il sera quand même un peu déstabilisé. Il supportera peut-être mal de la voir dans la sphère privée, avec un caractère fort, voire autoritaire. Il aura peut-être aussi du mal avec cette débauche, ces soirées arrosées, ces fougues amoureuses. Le film montre finalement relativement peu les beaux côtés du mythe Piaf, mais s’intéresse davantage aux excès de la femme torturée. Il relate, parfois avec peu de pudeur, souvent crûment, la façon dont Edith a détruit sa vie peu à peu à cause de l’alcool et de la drogue, et comment ce bout de femme s’est consumé plus vite que prévu, apparaissant alors, à l’hiver de sa vie, à 48 ans, comme une vieillarde. C’est à cause de l’intensité de ses chansons, celles qui me touchent particulièrement comme La foule ou Non, je ne regrette rien, que les larmes ont failli couler. Les flash-backs incessants tout le long du film sont une bonne idée, peut-être un peu trop récurrents, laissant le spectateur se perdre dans un labyrinthe, alors qu’il n’avait pas besoin de cela pour apprécier la polyvalence et l’ubiquité d’Edith. Le même spectateur se laissera volontiers guider dans la vie tumultueuse de la plus grande chanteuse française du siècle dernier, interprétée par une Marion Cotillard d’une ressemblance surprenante (merci les maquilleurs et illeuses), d’une justesse époustouflante, à mon grand étonnement, belle et touchante. La salle pourra sortir en se disant que, même sans les talons, Edith était une grande.
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