14 sept. 2006

Le salon international des couples

La solitude est quelque chose que j’apprécie. Mais il y a des fois où l’on se sent vraiment seul, et où c’est un peu gênant, car on est le seul à être seul. J’ai reçu, grâce à mon abonnement à Moomin Mag’, une invitation pour le salon international des couples :


Cher Rhum Raisin, Moomin Mag’ a le plaisir de vous inviter au premier salon international des couples. Vous devez évidemment venir accompagné. A très vite !


J’étais à la fois très excité et très paniqué. En effet un plaisir indescriptible emplissait progressivement mes pensées : j’allais me rendre à une soirée très glamour, avec champagne et cacahuètes allégées à volonté. J’avais justement acheté un petit costume cintré très beau, qui me seyait à ravir. Il était alors évident que j’allais m’y rendre avec un bonheur non dissimulé, malgré ma timidité. Mes illusions lunaires furent vite anéanties par un détail fatal qui allait me ronger jusqu’au jour tant attendu : je devais être accompagné ! Mais par qui ? Qui allait bien accepter d’être mon ou ma partenaire dans cette soirée VIP ? Mon cœur battait aussi vite que si je venais de doubler un cheval au galop dans une course à l’hippodrome de Longchamp. J’ai cherché dans mon répertoire de portable, mais personne n’était assez digne pour moi. J’ai bien pensé à mes Moomins, mais il est vrai que nos relations ne sont encore que des balbutiements.


J’ai donc pris mon cou à mes jambes et je me suis rendu chez le rédacteur en chef de Moomin Mag’, qui est un ami, car nous nous sommes rencontrés au bal masqué organisé par Maya l’abeille (je ne connais pas Maya l’abeille personnellement, mais la personne qui organisait ce bal masqué était déguisée en Maya l’abeille, je n’ai donc jamais su qui c’était). Il était déguisé en nain, mais j’avoue que son déguisement était un peu raté, car il n’est pas nain en réalité. J’ai donc frappé à sa porte, car la sonnette avait été dérobée par des moustiques mâles, et il n’a jamais réussi à remettre la main dessus. Il a ouvert la porte : Oh, Rhum Steak, comment vas-tu ? J’étais vexé : Non, moi c’est Rhum Raisin. Il m’a fait ses plus plates excuses. Je ne les ai pas acceptées, mais je lui ai fait croire que si. Je lui ai exposé la situation. Il m’a dit que ce n’était pas un problème, puisqu’il connaissait quelqu’un d’autre dans le même cas que moi, et que nous n’aurions qu’à nous rencontrer lors du rendez-vous. Je savais seulement que c’était un jeune homme, du même âge que moi, et qu’il n’avait pas de prénom.


Le jour du rendez-vous approchait, et j’ai décidé d’appeler mon ami Oui-Oui pour me conduire là-bas. Le problème, c’est qu’il n’est pas très discret, il fait toujours du bruit quand il se déplace, cet idiot, alors tout le monde nous regardait.


Arrivé au salon international des couples, c’était grandiose. Tous les couples connus étaient là : La belle et le clochard, Tom et Jerry, Laurel et Hardy, Jeanne et Serge, Tom-Tom et Nana, Jules et Jim, Thelma et Louise… Avant de me lancer à la recherche de , (ne vous inquiétez pas, ce n’est pas un oubli de mot, c’est juste que comme mon partenaire n’a pas de prénom, je ne peux pas le nommer) je suis allé faire un tour pour voir tout le monde. Je me baladais dans les allées. Tic et Tac étaient en train de fabriquer des bocaux de Nutella fait maison, Starsky et Hutch étaient en train de faire une cascade impressionnante, Adam et Eve s’amusaient à montrer leurs fesses, le rat des villes foutait une baffe au rat des champs, Roméo et Juliette s’embrassaient goulûment avec de la bave, Pénélope attendait son Ulyssounet chéri… Il n’y avait que du beau monde, mais je me sentais un peu seul. Je devais retrouver l’homme sans nom. J’ai couru très vite, mais comme je n’aime pas transpirer, je me suis vite arrêté. David est venu vers moi : Est-ce que tu viens pour les vacances ? J’ai répondu que non, mais là son pote Jonathan a débarqué et m’a dit : Moi je n’ai pas changé d’adresse. J’étais interloqué, mais je me suis enfui car j’ai eu un peu peur de ces deux énergumènes. Là je suis tombé sur Arnold, de Arnold et Willy, et je lui ai demandé s’il connaissait l’homme sans nom. Qu’est-ce que tu me racontes là ? m’a-t-il rétorqué. J’ai bien compris qu’il ne pouvait pas m’aider, alors je me suis résolu à faire une annonce en public. Le problème c’est que la cornemuse était tellement forte que même les gens qui n’avaient pas de boules Quiès neuves ne m’ont pas entendu. J’ai bien pensé à écrire sur une pancarte ce que je recherchais, mais comme sur la pancarte, le nom inexistant de l’homme recherché était inscrit, personne ne pouvait me renseigner. J’ai demandé à Samantha et Chantal, Pit et Rik, Loïs et Clark, Boule et Bill, Paul et Virginie, Eric et Ramzy, Stone et Charden, mais personne ne savait. Je me suis alors noyé dans la boisson, tout ce qu’il y a de plus fort en alcool : j’ai bu plein de verres de cidre. Mais je n’étais pas saoul. Alors, désemparé, je suis allé pleurer dans mon coin, esseulé. J’ai découvert ici, que plein de gens esseulés pleuraient : Olive, larguée par Popeye, chialait ; Astérix, songeant qu’il allait être représenté par Clovis Cornillac, chialait ; Chevallier, réalisant qu’il était moins drôle que Laspallès, chialait ; Charly et Lulu, admettant qu’ils étaient dépassés, chialaient, Chouchou chialait, imaginant que les gens préféraient Loulou… Il y avait aussi une jeune fille qui pleurait mais je n’ai pas osé lui demander pourquoi. Igor et Grichka m’ont montré par a+b que c’était à cause de la distance du soleil, et de la constante universelle de gravitation, sensiblement égale à 6.6742 x 10-11 m3 s-2 kg-1 , mais je ne les ai pas crus. Céline et René m’ont dit que c’était à cause d’un garçon que la jeune fille pleurait, et je les ai davantage crus. Céline m’a dit : Elle sort d’une histoire difficile, et elle a du chagrin. On ne les voit plus ensemble, Nicolas et Marjolaine. Nicolas s’en est allé à la ville pour étudier. C’est là qu’il s’est marié, et Marjolaine a pleuré. Nicolas et Marjolaine ne savent plus dire je t’aime, jours de joie et jours de peine, c’est la vie qui se déchaîne. Tout ceci était bien triste, mais j’étais toujours sans mon ami anonyme.


Une blonde bronzée un peu ridée, prénommée Véronique, est venue vers moi et m’a conseillé de faire du sport pour me remonter le moral. Je me suis alors mis à l’aérobic. Je trémoussais mon corps sur Peter et Sloane, faisais des chorégraphies dignes de celles de Kamel Ouali et Bruno Vandelli, chantais sur Emile et Image, gymnastiquais en écoutant Aimable et Marcel, et leurs orchestres respectifs ; j’étais devenu la star de la soirée, au même titre que Kad et Olivier, Tintin et Milou, ou que Pierre et Marie Curie. C’est alors qu’une autre dame bronzée et un peu ridée, mais brune, prénommée Davina, m’a présenté un jeune homme, nommé . (ce n’est toujours pas un oubli de ma part, c’est que je ne sais pas comment l’appeler, mais je crois que je me répète, non ?) J’ai compris que c’était lui que je recherchais depuis le début de la soirée. Or la soirée touchait déjà à sa fin, et m’étant fait déjà beaucoup d’amis seuls ce soir là, comme Cléopâtre, car son Jules lui avait posé un lapin, ou bien Quick, parce que Flupke était allé au MacDo sans lui, je n’avais donc nul besoin de rencontrer ce garçon, que je n’aurais en plus jamais pu enregistrer dans mon portable, puisque je ne pouvais pas le nommer. Mais le remords m’a rattrapé, et le voyant s’éloigner, je l’ai appelé : « !!! ». Il ne s’est pas retourné. J’ai compris que personne ne pourrait l’appeler par ce prénom si silencieux, et qu’il est en fait condamné à ne jamais se retourner à l’entente dudit prénom. C’est un peu triste. Ses parents auraient pu penser à des détails comme ça. Inconscients !

Aucun commentaire: