20 déc. 2008

Le soleil va se coucher

Sous le soleil

C’est un peu comme une saison de Star Academy qui s’achève, comme un inspecteur Derrick qui s’endort à jamais, comme une amoureuse transie qui dit au revoir à son amoureux sur le quai d’une gare, comme le regard d’un petit Somalien qui meurt de fin : c’est triste. Après treize années passionnées, TF1 diffuse, cette après-midi, l’ultime épisode de Sous le Soleil.

Sous le Soleil s’en va et laisse derrière elle des millions de ménagères – et ménagers – de moins de cinquante ans dans le désarroi le plus total. Sous le Soleil était certes une série estampillée France des années 90, bien éloignée du savoir-faire américain, mais elle a permis à des millions d’adolescents d’être heureux, au moins pendant une heure, chaque samedi.

Depuis quatre ans, Sous le Soleil avait perdu la magie des débuts. La série s’était professionnalisée. Il n’y avait plus rien de l’amateurisme d’un Vacances de l’amour, ni la fraîcheur d’un Extrême limite. Parce que pendant des années, Sous le Soleil a été le rendez-vous des incohérences, du grand n’importe quoi et du foutage de gueule revendiqué. Et c’est pourtant ça qui a fait le succès de la série pendant toutes ces années.

L’une des marques de fabrique incontestables de Sous le Soleil, ce sont ces immenses demeures avec vue imprenable sur des paysages mirifiques, sans oublier l’indispensable piscine à l’eau d’un bleu impressionnant surplombant les gorges profondes (RIP) des vallées varoises. Des maisons, forcément, que tout héros, simple prof de philo au lycée, ou simple serveuse au bar de la plage, pouvait se payer. Des histoires de meurtres (Dieu merci, moins abracadabrantesques que celles de Plus belle la vie), d’argent, d’enfants, de cul, bref de tout ce qui fait le succès d’une série à l’eau de rose.

Là où Sous le Soleil – au moins pendant les neuf premières années – a réussi à capter de nombreux téléspectateurs et trices, c’est grâce à la fidélité de ses héroïnes. La blonde Jessica Lori (ou Lawry, je n’ai jamais su comment écrire son nom de famille) a connu des Yann, Baptiste, Paolo, Miguel et autres Julien ; a eu une fille, Audrey qui a grandi de dix ans en une saison, comme dans Les feux de l’amour ; adopté un fils, Zacharie ; été serveuse à la plage ; été danseuse ; été maire de Saint-Tropez ; été animatrice radio ; été directrice d’une académie de danse.

La brune Laure Olivier, malgré ses absences régulières, a connu des Alain, Grégory, Benjamin, Baptiste (elle aussi), et autres Romain, a adopté une fille, Clara, eu un fils malgré sa stérilité, Gabriel, est un médecin renommé, a été en prison, perdu l’homme de sa vie avant de le voir ressusciter, eu les cheveux courts, longs, beaux, moches.

L’autre brune Caroline Drancourt, qui a eu la délicatesse de ne mourir qu’à la quatorzième saison, a connu des Samuel, David, François, Bertrand, et autres Hugo, a eu deux fils, Tom et Iannis, a été chanteuse connue, a eu une relation homosexuelle, a été avocate, a été prise pour morte, a été réellement morte.

Dans Sous le Soleil, tout était permis. La méchante Valentine, qui déteste les héroïnes, qui est sortie avec Tom, le fils de Caroline, et qui a joué à Je t’aime moi non plus avec Alain, qui a lui-même été l’un des personnages les plus drôles de la série, a parfois été gentille. Oui, cette phrase comporte bien trop de conjonctions de coordinations, mais je m’en moque.

Et puis ces nombreuses guest stars qui ont enfin rendu à Saint-Tropez la légitimité pipolistique dont il souffrait depuis l’absence de Brigitte Bardot au cinéma : Bernard Montiel, Massimo Gargia, Macha Béranger, Dani, Agnès Soral, Patrice Laffont, Lukas Delcourt, Julie Arnold, Pierre Douglas, Alexandre Balduzzi, Amanda Lear, Serena Reinaldi, Philippe Corti, Jeane Manson, Vincent Lagaf, Mia Frye, Mario Barravecchia, Maud Verdeyen, Julian Cely… Que du lourd ! Et tous ces personnages, dont personne ne se souvient, mais qui ont marqué la série : Blandine, Marco, Tibault, Lucie, Vincent, Sandra, Manu, Madeleine et les autres…

Avec la fin de Sous le Soleil meurt une partie de mon adolescence, qui elle-même semble intrinsèquement vouée à une mort que je tente de retarder le plus possible.

Je ferme les yeux, c’est le même bleu. Dans le cœur ou sous le soleil.

[Les photos proviennent du site serie-souslesoleil.com]

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