23 déc. 2008

Monsieur Je sais tout

Je suis malade. Serge Lama le chante beaucoup moins bien que moi certes, mais je suis malade. Je suis un de ces êtres méprisables dont le seul plaisir dans la vie est de se nourrir du malheur des autres, de puiser à l'intérieur du moindre événement de la vie intime d'une personne admirée. Je suis curieux. Je suis curieux dans le sens noble du terme, dans le sens où je m'intéresse à tout ce qu'un homme normalement constitué, un homme à l'esprit sain dans un corps sain peut s'intéresser, mais je suis aussi curieux des éléments les plus bas et répugnants de l'être humain, ceux qui révèlent que l'être humain est vil et turpide. Je pourrais énumérer mes penchants pour le savoir de ce que font les gens qui ont la chance d'être les objets de mes plus avides appétits de curiosité, dire que j'adore les potins, comme c'est en vogue sur Internet.

C'est fascinant, la curiosité. Être curieux, ça permet de rester en éveil, de se soucier de la vie - parfois la plus intime - des autres, à défaut d'en avoir une à soi. Ce qui est particulièrement jouissif dans l'expression de la curiosité, c'est le fait de ne pas montrer que l'on est curieux. Et c'est là que la curiosité malsaine entre en jeu. Imaginons que je tombe amoureux. N'importe qui fera en sorte de connaître deux ou trois informations à propos de l'être convoité avant de l'aborder. Moi non. Je suis la personne en silence, l'observe de loin, sais qu'elle habite dans la rue R., qu'elle a une 206 gris-bleue, qu'elle fume - à mon grand dam -, qu'elle a une démarche élégante la nuit. Tout cela sans jamais lui avoir parlé. Mais ma curiosité maladive ne s'arrête pas là.

Comme tout Rhum Raisin qui se respecte, la personne qui me passionne le plus au monde, c'est moi. Et quoi de plus frustrant que de ne pas détenir la vérité de ce que pensent les autres de soi? Évidemment, ça c'est une banalité, puisque chacun aime savoir ce que son entourage pense de lui. Mais on l'apprend le temps passant. Moi j'aime l'apprendre vite. Au moins par des indices explicites, des jeux de regards, des private jokes, des silences. J'aime savoir qu'on me déteste, rien que pour avoir le plaisir d'être hypocrite. J'aime savoir qu'on me jalouse, rien que pour avoir le plaisir d'être supérieur. J'aime aussi savoir qu'on m'aime, rien que pour avoir la satisfaction de ne pas se sentir seul.

Être curieux, c'est être au courant. Être au courant, c'est avoir la sensation d'être plus fort. Avoir la sensation d'être fort, c'est se sentir puissant. Et comme je suis un être orgueilleux qui n'ose se l'avouer, j'aime être puissant. Et pourtant je suis faible. Parce qu'être curieux, c'est être faible. Être curieux, c'est harceler tout le monde pour parvenir à ses fins. C'est demander à tout le monde ce qu'ils ont bien pu vous acheter pour Noël. Et à cause de cette put§?#! de curiosité, je connais déjà presque tous mes cadeaux. Et résultat, j'ai perdu ma noëlibido. C'est nul d'être curieux.

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