31 mai 2009

Le grand plongeon

Aujourd'hui, j'ai fait quelque chose que je n'avais pas fait depuis bien longtemps.

(Suspense...)

Tout le monde dit que l'été, c'est bien. Il fait beau. Il fait chaud. Il fait jour très tard. Il fait soleil (soleil). Peut-être. Mais moi je n'aime pas. Parce qu'il fait beaucoup trop chaud. Et à la fin du mois de mai, on arrive irrémédiablement dans cette période où la chaleur s'installe de force au sein de mon foyer, même quand je ferme les volets. Et le soleil (soleil) cogne sur ma tête et sur mes tempes qui prient pour ne pas transpirer. Mais voilà, c'est un fait, il va falloir supporter cette situation. Et pour mieux appréhender cette saison détestable qui arrive à grands pas, rien de tel que la piscine. Mais quand on n'est pas à l'aise avec son corps, c'est un véritable parcours du combattant.

Et pourtant... Après quelque huit jours semaines mois années d'absence à la piscine, j'ai osé y retourner, aujourd'hui, bravant mon trac, ma pudibonderie et ma peur. Et là, présentement, je me sens bien.

J'ai bien évidemment pris soin, au préalable, de dire à qui voulait bien m'entendre que j'allais passer l'après-midi à travailler chez moi, dans l'obscurité formée par les volets baissés. Si j'avais eu la mauvaise idée d'avouer que j'allais passer mon temps à la piscine olympique de V., une partie de mes cyniques connaissances se seraient empressées, connaissant ma pudeur extrême, de se rendre à cette piscine, ne serait-ce que pour - enfin - m'admirer me voir en maillot de bain.

Je me suis retrouvé dans ma petite case qui me servit de vestiaire individuel. Là, j'ai enfilé mon joli boxer de bain neuf, acheté la veille. Il aurait été, en effet, assez incongru de revêtir celui qui était le mien il y a huit ans, trop usé d'avoir si peu servi. Puis je suis sorti, ai choisi le placard 74, ai rangé mon sac et mes chaussures de ville à l'intérieur, ai placé une pièce d'un euro dans la fente, puis ai refermé le placard. Je me suis ensuite rendu sous la douche, où, fort heureusement, personne - ou si peu - ne m'a croisé.

Puis je suis entré lascivement dans la grande pièce qui sentait le chlore, le torse fraîchement épilé et divinement huilé. Ma paranoïa me faisant imaginer que tous les regards étaient braqués sur moi, j'ai paniqué. Je n'ai pas réfléchi. J'ai couru et j'ai sauté le plus vite possible dans l'eau, seul endroit où j'étais moins visible qu'au bord de l'eau, presque nu. Là, forcément, j'avais oublié mes lunettes de piscine, et mes yeux me piquaient. Mais étant coincé dans l'eau, je suis resté.

Et j'ai commencé à nager. La brasse, le crawl, le papillon, puis sur le dos. Tous les mouvements et les respirations me sont revenus instantanément. Et je nageais, comme un poisson, dépassant les nageurs appliqués, et ceux qui ne mettaient pas la tête sous l'eau, si bien qu'une quarantaine de longueurs plus tard, j'ai fait une séance d'étirements aquatique, comme le font les grands sportifs.

Bon, en vrai, le paragraphe sus-écrit est entièrement faux. Au bout de ma première longueur de cinquante mètres, j'étais essoufflé comme un ventilateur. Du coup, je me suis appuyé sur la ligne de flotteurs qui sépare les couloirs et j'ai attendu. L'important était d'y aller à mon rythme. Et j'ai donc nagé lentement. Très lentement, mais j'ai nagé, ce qui m'a permis d'observer des détails que l'on n'observe pas en étant un professionnel de la piscine.

C'est incroyable le nombre de gens qui abandonnent spontanément leur chaude salive dans l'eau chlorée. À chaque respiration, ils ont un excès de bave qui sort de leur bouche humide, et ils la crachent avec un manque de dignité notable. Bien souvent, cette bave étant plus épaisse que l'eau dans laquelle ils flottent, elle ne se détache pas immédiatement des lèvres de la personne, et se déforme ainsi en long filet que seule la personne en face, à savoir moi, peut rompre. L'autre désagrément vient principalement des caïds qui nagent douze fois plus vite que vous et qui vous doublent avec une rapidité impossible en faisant des gestes gigantesques. Résultat, il n'est pas rare de se ramasser des coups de pieds et de coups de doigts en plein dans les flancs, dans les cuisses, voire pire.

Finalement, oser revenir à la piscine redonne confiance en soi et permet de constater qu'il y a pire que soi. J'ai aussi remarqué avec intérêt, et après moult observations poussées, que les maillots de bain ne sont pas tous remplis aussi généreusement. J'ai enfin vu qu'en 2009, dans les douches communes masculines - parce que je ne me suis pas aventuré dans les douches féminines, je suis bien élevé - il existe encore des personnes qui osent carrément ôter leur slip pour bien frotter le gel moussant.

Fier de mon expédition risquée à la piscine, je suis sorti heureux, content d'avoir cumulé mes deux kilomètres (quand même!) à la nage. Et, en sortant de mon vestiaire de rhabillage, étonnamment courbaturé, j'ai remarqué que mes chaussures avaient laissé des traces sales sur le sol mouillé. N'étant pas entré dans une piscine depuis tant de temps, j'avais oublié qu'on devait se rechausser après être sorti du vestiaire. Et j'ai eu honte de laisser ces grosses traces dégueu. Encore une fois, j'ai paniqué. Je n'ai pas réfléchi. J'ai couru et je suis vite rentré chez moi. Du coup, je ne suis pas certain d'y retourner de sitôt.

(Non, cette fois encore, je ne suis pas le modèle de cette illustration...)

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