Sandrine François, l’aïeule médiatique de Virginie Pouchain, chantait Il faut du temps. Comme elle, je me suis battu pour ça, et, de la même façon que Patrick Fiori, j’en ai mis du temps et j’en ai pris du temps. J’ai lu. Consciencieusement. Plus de seize mois en quelques jours. Bien sûr, il ne fallait pas prendre cela à la légère. Parfois, mon attention se relâchait, je me fatiguais, puis me reprenais en main, et continuais, un peu comme quand on lit un livre de 592 pages, qu’on en est à la page 439, et qu’on est tellement passionné qu’on continue au moins jusqu’à la page 450, parce que les chiffres ronds, c’est beaucoup mieux. J’ai besoin de mon Actimel tous les matins.
Espace privé vanté par le public, je me suis rendu sur sa page. Sa vie semble être comblée d’ennuis passionnants, de solitudes palpitantes, de bonheurs dépressifs, d’un spleen heureux. J’ai donc décidé de prendre ma plume électronique et de parler de lui, en ce jour qui lui tient à cœur.
Pierre, puisque c’est bien de lui qu’il s’agit, est un garçon. Oui mais quel garçon ! Il est assez âgé pour paraître jeune, mais trop jeune pour paraître âgé. Il est né le 13 janvier 1984 ; ça ne peut pas être un mauvais gars, puisqu’il est capricorne (n’allez pas imaginer par cette proposition subordonnée que je suis moi-même capricorne, ce serait idiot étant donné que l’on ne porte pas nécessairement plus d’intérêt aux personnes qui sont du même signe astrologique que soi-même ; néanmoins, il est également possible que je sois capricorne également, en sachant qu’il y a une chance sur douze, même si les statistiques veulent qu’il y ait notamment davantage de taureaux que de capricornes, mais ça, c’est un autre sujet). Pierre nous éclabousse de son bonheur… non, de son malheur… enfin, de sa pauvre vie riche en pensées. Entre cynisme et enthousiasme envers des causes qui n’intéressent et qui ne sont comprises que par les plus délaissés de la vie en communauté, Pierre jongle avec les maux de la vie quotidienne.
Pourquoi s’intéresser à un homo, très Sapiens Sapiens, (en sachant que ma propre vie demeure naturellement mon intérêt principal) que je ne connais guère ? Probablement parce qu’il est habile : habile pour passionner son lectorat d’événements futiles, autant que d’événements essentiels. Peut-être que Pierre me ressemble, pas physiquement, certes, mais moralement. Attention, ma vie est différente de celle qu’il prétend avoir : je n’habite pas à Créteil, j’erre ailleurs. Pierre aime à se montrer égocentrique. Cela lui plaît de plaire, au moins virtuellement, et c’est pourquoi il est propre sur lui, malgré parfois quelques imprévus inévitables lorsque l’on est resté un vieil adolescent. Il aime qu’on fantasme sur lui, moi aussi, qu’on l’imagine beau, moi aussi (même si mes connaissances n’ont nul besoin de m’imaginer beau, elles le remarquent, point), qu’on le mette sur un piédestal, moi aussi. Et pourtant, il utilise en sa défaveur une arme lente et douloureuse, le suicide moral à petits feux : alors qu’il vante souvent sa personne, il se sous-estime paradoxalement aussi souvent et rappelle inexorablement le niveau d’intérêt particulièrement bas qu’il accorde à sa propre vie. Il se dit seul, et l’on culpabilise, et l’on se dit « le pauvre », et l’on aurait envie de l’accompagner, et l’on désirerait le consoler, et l’on se rend finalement compte que, lui, préfèrerait certainement rester seul, ne serait-ce que pour ne pas bousculer son train-train quotidien.
Mais il ne faut pas se leurrer, Pierre abandonne parfois sa monotonie, pour nous offrir des billets hilarants sur sa vie privée, et très originaux. Un humour refoulé l’habite, mais il ressort régulièrement, tel un lapsus récurrent. Il fait naître parfois chez ses lecteurs un rire jaune, gênant du fait qu’on peut se reconnaître dans son histoire, dans ses voyages, dans ses idées, ou même dans ses vacances (c’est peut-être véritablement à cause de ce dernier exemple que j’ai réalisé les flagrantes correspondances entre sa vie et la mienne). Pierre est si différemment le même que moi que j’en suis troublé : nous passons de folles soirées, qui sont parfois des matinées, nous nous délectons à confesser des individus aux destins compliqués, nous nous intéressons aux mêmes stars en mal de reconnaissance durable, nous nous lamentons sur le sort des injustement abandonnés, et avons eu les mêmes œuvres littéraires en guise d’initiation à la lecture et, plus généralement, à la vie.
Ne vous méprenez, pas, chers lecteurs à moi, Pierre n’est pas un cousin éloigné de Hilguegue, ni même un non-français, il est normal. N’ayez pas peur de lui. Il aime, comme moi, la grande chanson française, avec un amour sincère, de toute époque, et de tous les physiques, même s’il est parfois obligé de parler de sujets moins intéressants, mais racoleurs. Je me suis shooté à ses billets.
Enfin, que serait une icône sans mystère ? Ce serait une télé sans pub, une cerise sans ver, une bombe sexuelle sans sexe. Alors, non, Pierre est, selon lui, pudique, donc discret. Il essaie de se cacher, mais là est tout son dilemme : il veut qu’on sache qu’il existe (besoin de reconnaissance essentiellement et de tendresse incontestablement), et donne alors de nombreux indices sur son entourage et sur le fond qui nous intéresse bien sûr, sa vie, si possible intime. Quelqu’un qui consacre un billet entier sur un éphèbe portant le plus doux des prénoms ne peut pas être quelqu’un de foncièrement mauvais ; c’est même forcément quelqu’un de bon, de très bon, de si bon, mmmm…
Cher Pierre,
Tu séduis tes lecteurs. Continue. Je serai fidèle.
Tu entres inévitablement à Moominland, par la grande porte.
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