15 juin 2006

Non-Non, tu te trompes

Des problèmes de cœur ?

Des problèmes d’argent ?

Des problèmes de santé ?

Découvrez votre vie en allant voir Gisèle.

Tel était l’intitulé du malheureux bout de papier de 7 centimètres sur 8 que j’ai trouvé l’autre fois dans ma belle boîte aux lettres. C’était surtout la quatrième ligne qui m’intéressait. Oui, j’avais envie de découvrir ma vie. J’ai téléphoné au numéro de portable de cette mystérieuse Gisèle, et c’est elle-même qui me répondit. J’étais tout intimidé de parler à une voyante, et j’ai bafouillé : Bonjour, je suis Rhum Raisin, pourrais-je prendre rendez-vous avec vous ? Gisèle accepta.

Le jour J arriva et j’étais tout excité à l’idée de « découvrir ma vie » et de rencontrer pour la première fois cette voyante. Une femme mure, à l’allure gitane, avec de longs cheveux noirs frisés et des grands yeux globuleux sur-maquillés, allait certainement me parler de moi à travers sa boule de cristal. Pas du tout. Gisèle était vêtue d’un jean et d’un débardeur blanc, et me tint les mains. Nous passerons les détails de ma vie privée qui n’intéressent personne, et nous intéresserons davantage à ce qu’elle m’a dit pour mon futur proche : Préparez-vous à consoler le clown au Népal.

J’étais intrigué. Nuit et jour je songeais à cette phrase. Le roi des Moomins se doit d’aider autrui. Je me résolus donc à me rendre au Népal. Or je ne savais pas où se trouvait ce pays. J’ai demandé à des gens mais personne ne savait : mon ami Anggun ne connaît que l’Indonésie, mon ami Jin que la Corée, et mon amie Mappy ne connaît même pas l’Asie.

Je me suis dit : Finies les galères, une seule personne pourra m’aider : Oui-Oui avec sa voiture. Si si, il est fort fort Oui-Oui, il connaît tous les coins du monde par cœur. Il m’a alors emmené au Népal. Telle ne fut pas ma stupeur d’apercevoir tant d’hommes et de femmes tristes. Lorsque je suis arrivé à Katmandou, c’était la grève générale. Tout le monde était masqué, pour garder l’anonymat ; on se serait cru au bal masqué, tikalikatam tikalikatam, ohé ohé. Ma mission était de trouver le clown qui devait se trouver sur mon chemin. Le problème est qu’il ne se trouvait pas sur mon chemin, sinon, bien sûr je l’aurais trouvé illico. Je rencontrai une demoiselle édentée qui était en train de pleurer, tout comme tout le monde dans cette ville. C’était étrange. Je lui ai demandé la raison de son chagrin, mais comme elle n’avait pas de dents je n’ai pas compris ce qu’elle me répondit. J’ai demandé à son voisin, mais il ne me répondait pas ; j’ai réitéré ma requête, mais il semblait borné à ne pas vouloir satisfaire mon besoin de savoir. Je l’ai giflé, car je l’ai trouvé malpoli, et c’est là, en touchant son visage, que j’ai découvert qu’il n’avait pas d’oreilles.

Tout le monde était triste dans ce pays, mais pourquoi diantre ? Une petite fille, me voyant errer tristement et seul (pendant ce temps-là, Oui-Oui était parti faire les soldes, d’ailleurs, il s’est trouvé un nouveau chapeau, qui lui va à ravir), voulut me réconforter : Tu sais, monsieur, si tu es triste, dis-toi que tous les êtres vivants ont parfois de la peine. Même les baleines ont parfois de gros problèmes en amour, les kangourous bien souvent deviennent fous en amour, les crocodiles ont une vie difficile en amour, même les renards bien souvent ont le cafard en amour, même les girafes bien souvent restent en carafe en amour, les éléphants ne rigolent pas souvent en amour, les alouettes très souvent perdent la tête en amour, même les cafards de temps en temps broient du noir en amour, les otaries pleurent plus souvent qu’elles ne rient en amour, même les chacals parfois se font très très mal en amour, même les émeus ont souvent les larmes aux yeux en amour, même les lapins bien souvent ont du chagrin en amour... Je lui demandai : Peux-tu m’aider ? Pourquoi tout le monde est triste ici ? Elle me répondit : Le soleil nous boude, alors, nous perdons notre bronzage : nous avons le teint pâle, les joues pâles, le front pâle, et le nez pâle.

J’ai alors compris ma grosse erreur : Gisèle m’a en fait dit de consoler le clown au nez pâle. Je suis allé au Népal pour rien. J’ai donc pris mes cliques et mes claques (et mes cloques, parce que j’avais marché beaucoup) et je suis rentré à la maison.

J’ai appelé mon ami Albert Grimaldi, pour savoir s’il avait eu vent d’un clown au nez pâle. Et en effet, Coco le clown (un cousin éloigné de Bozo) était resté trop longtemps au soleil, et n’avait pas enlevé son nez rouge : tout son visage était bronzé, mais son nez était resté pâle. Il était alors triste parce qu’il se trouvait laid. Je n’ai pas l’habitude de mentir, j’ai donc dit qu’il avait raison, mais je l’ai consolé en lui disant qu’il devrait maintenant mettre un masque avec juste un trou au niveau du nez, pour rééquilibrer son bronzage. Il m’a dit merci.

Même si j’ai perdu du temps, j’ai rendu un clown triste heureux, et ça, j’en suis fier.

(Au fait, j’ai oublié Oui-Oui au Népal…)

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