25 déc. 2006

Il est né le divin enfant

Comme chaque 24 décembre, je n'ai pas échappé à la messe de minuit. Comme chaque année, je suis plutôt heureux de me rendre à la messe de minuit, puisque c'est quasiment la seule fois de l'année que je me rends dans une église. Cette année, j'étais encore plus heureux puisque j'avais besoin de réconfort, mon cerveau torturé par le manque récent. Ce qui est sûr, c'est qu'il n'y a rien de plus chaleureux qu'une église (!). Bien sûr, souvent je pèche, je m'adonne à des pratiques réprouvées par la morale religieuse, mais qui ne le sont pas par ma morale personnelle (alors à quoi bon s'en priver?). Je voulais que mes péchés soient lavés.
Direction donc la messe de minuit, célèbrée en toute logique à 20h. Evidemment, les gens honorés de ma présence hier soir ne voulaient pas aller à la cathédrale de C. à minuit. Je m'installe sur un banc; mon ventre gargouillait, dû au jeûne imposé depuis le début de la matinée par moi-même. Tout le monde se serre sur les bancs, puisque les places manquent, prêt à écouter la conférence-concert destinée à me réchauffer le coeur. C'est curieux comme, même un soir de réveillon de Noël, les gens peuvent sentir mauvais. Entre ma voisine de devant qui sentait l'oignon frit, et celui de derrière qui avait probablement couru un marathon juste avant sans changer de marcel, j'étais bien entouré. Surtout qu'à la messe, le gentil curé oblige son public à se lever et à s'asseoir toutes les cinq minutes, sans avoir conscience que mes pauvres jambes sont fatiguées de porter un corps affaibli par son jeûne du jour. Mon ventre gargouillait à nouveau, écoeuré par les effluves dégagées par les moindres mouvements de mes voisins de devant et de derrière.
Parfois, une heure et quart, c'est long. Surtout lorsque la musique n'existe pas, et qu'elle est remplacée par une dame, certes respectable, mais qui chante beaucoup trop haut, et aussi rapidement qu'un Laurent Voulzy en petite forme. Fort heureusement, le gentil curé blond d'une trentaine d'années, dont le corps svelte et élancé, était caché sous une aube de taille XXL, pouvait se vanter d'être le frère spirituel de Gad Elmaleh, tant ses vannes sur la Star Academy étaient bonnes. J'avais envie de rire, d'applaudir, mais une audience de messieurs et dames très pieux est difficile à entraîner. J'étais hilare à l'intérieur; à l'extérieur, je m'adaptais aux visages repliés sur eux-mêmes (sans pour autant laisser apparaître des rides sur le front et au coin des yeux, pour ne pas le regretter plus tard).
Il y a des gestes que les habitués de la messe connaissent bien. Lors de la lecture de l'évangile selon Saint Luc, il faut faire un signe de croix sur le front, sur le menton, puis sur la poitrine. La première fois, j'ai eu du mal: en jetant des regards furtifs autour de moi, j'avais compris de travers le geste adéquat, et, pauvre de moi, je me suis ridiculisé face à moi, puisque personne d'autre que moi ne me regardait, en descendant la main droite de mon front jusqu'à mon bouton de jean, un peu comme si j'ouvrais une fermeture éclair pour montrer, tel un exhibitionniste, mon âme au grand public. Je vous le dis, si vous avez l'occasion d'aller à la messe, mieux vaut de rien faire. C'est comme à la fin du Notre Père, évitez de dire Amen, et d'ainsi provoquer le braquage de regards accusateurs en votre direction, des mêmes gens pieux sus-cités. Puis est enfin arrivé le moment tant attendu par moi, la dégustation de l'hostie. Mon ventre allait enfin être récompensé. C'était être trop optimiste. Le pauvre morceau qui m'était destiné devait faire, au haut mot (expression que j'ai inventée pour exprimer le contraire de au bas mot), 2 centimètres sur 1,5.
Finalement, mes démons n'ont pas été chassés. Cette mélancolie qui est collée à ma peau doit l'être à la super glu.
Et en plus, je n'ai pas pu regarder Le soldat rose.

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