Cher Rhum Raisin, une mission de la plus haute importance vous a été confiée: vous avez la lourde tâche de mener Miss Auvergne à la victoire de l’élection de Miss France.
Autant dire que la tâche était rude. Statistiquement, il y a très peu de chances pour que Miss Auvergne soit élue Miss France. Lorsque je reçois des missions comme celle-ci, je me dois de les accomplir. J’ai fait mon petit sac, avec mes chaussures jaunes, mon jean qui a une poche déchirée, ma ceinture, mon polo à manches longues, mon écharpe pour ne pas froisser mes cordes vocales, une banane, ma brosse à dents, du vernis à ongles, un oiseau mort, et ma crème anti-fatigue.
Samedi matin, l’empereur, sa femme, et le petit prince, sont venus chez moi, pour m’emmener à Poitiers, puisque Oui-Oui avait autre chose à faire. L’empereur pilote comme un dingue, et je me suis senti un peu mal étant donné que j’étais à l’arrière de l’hélicoptère, à côté du petit prince. En plus, on s’est un peu ennuyé dans l’hélicoptère: le ciel est vide sans imagination. Le petit prince m’a demandé Dessine-moi un mouton, je lui ai fait des gestes pour qu’il comprenne que j’étais sourd et muet, et pour qu’il me laisse tranquille. Il fallait que je réfléchisse à la stratégie à adopter pour mener Miss Auvergne à la victoire. L’empereur a atterri et m’a dit Mon cher Rhum Raisin, vous ne me devez rien, je vous confie la garde de mon fils pour la journée; ma femme et moi allons visiter le Futuroscope. Je devais donc me coltiner le petit prince toute la journée, ce qui allait forcément handicaper le bon fonctionnement de mon plan pour faire gagner Miss Auvergne.
J’avais préalablement téléphoné à Jean-Pierre Foucault pour qu’il me donne un pass VIP pour pouvoir m’intégrer dans les coulisses. J’entre, suivi du petit prince, et je dis bonjour à Michel Sardou, Muriel Robin, Liane Foly, et malheureusement Gérard Darmon. Mon plan machiavélique peut commencer: utiliser tous mes charmes pour hypnotiser les miss et le jury. Dans les coulisses, j’envoie une lettre anonyme pour réunir toutes les miss dans une salle à l’ambiance feutrée. Le problème est que je dois me débarrasser du petit prince, attaché à mes mollets. J’aperçois Jean-Pierre, je l’apostrophe: Jean-Pierre, wouhou, wouhou!
Alice? me répond-il. Euh, non, c’est Rhum Raisin. Son visage s’est désilluminé, mais il accepte néanmoins de me garder le petit prince pour une heure.
Toutes les miss réunies, j’utilise mon pouvoir magique de glaciation d’êtres humains: Go go, gadgeto glaciation. Toutes les miss se figent (encore plus que d’habitude). Un pervers en aurait profité pour les peloter, leur mordiller les mamelons, et leur masser les fesses, mais je ne suis pas comme ça. Je les ai regardées chacune dans les yeux, fait des yeux énormes comme le mec qui sait endormir les poules dans les émission de Christophe Dechavanne et Patrice Carmouze, et leur ai murmuré à l’oreille: Tu tomberas lorsque tu feras ta chorégraphie, qui sera forcément mauvaise, car non imaginée par Kamel Ouali. A ce moment-là, le petit prince est entré et a crié Non, n’écoutez pas ce qu’il dit et réveillez-vous. Oh mon Dieu, mon Dieu, mon Dieu, qu’il est bête comme une gargoulette, plus bête qu’une paire de chaussettes. Qu’il est, qu’il est bête! Qu’est-ce qu’il a dans sa petite tête pour être aussi bête? Qu’il est bête, qu’il est bête! Il était probablement jaloux que je sois seul avec toutes ces filles, et a tout dit à Xavier de Fontenay de mes intentions de pistonner Miss Auvergne.
Xav’: C’est vous Rhum Yschneider?
Rhum Raisin: Non, moi c’est Rhum Raisin.
Xav’: Mais je m’en tape moi.
Rhum Raisin: Vous vous méprenez. Il y a un malentendu.
Oui, l’échange fut bref, mais on ne peut pas non plus demander à Xav’ de débiter comme ça beaucoup de mots puisés dans le dictionnaire. Il m’a emmené dans sa loge, m’a méchamment engueulé, m’a giflé plusieurs fois avec ses mains sales, ce qui a considérablement blessé mes douces petites joues. Il m’a interdit de rester dans les coulisses, et j’ai été contraint de passer toute la soirée derrière Natacha Amal, le petit prince sur mes genoux, impuissant. J’ai vu le premier groupe de miss danser en James Bond girls, le deuxième groupe de miss en Marylin Monroe, et le troisième groupe de miss en dames avec un chapeau, avant d’accueillir le clou rouillé du spectacle, Geneviève.
Je ne vais pas décrire la soirée puisque je me suis endormi à la suite de l’élimination de Miss Auvergne, qui m’a montré que tous mes efforts n’avaient servi à rien. Que dire de plus si ce n’est que je suis officieusement heureux que Miss Auvergne se soit fait éliminer, que je suis officiellement malheureux que la charmante Miss Dauphiné se soit fait éliminer, et que je trouve que Miss Limousin, presque muette et presque sourde (comme le monde, et comme Beethoven), aurait pu faire une Miss France parfaite. Depuis l’année dernière, le jury pose des questions aux cinq dernières miss en lice. Miss Limousin a dit quelques mots, comme elle a pu. Miss Réunion m’a fait versé une larme de rire en avouant qu’ «[elle a] vu c’est quoi la mort». Et Miss Paris a très probablement maudit Michel Sardou de ne pas s’appeler Jenifer, qui, elle, au moins, avait, l’an dernier, posé une question, certes ridicule, mais qui ne nécessitait qu’un oui ou un non, alors qu’elle a dû élaborer une réponse recherchée, qui n’a même pas satisfait le chanteur qui sourit rarement.
Je pourrais me dire que j’ai loupé ma soirée: je n’ai pas réussi ma mission, je n’ai pas vu la prestation entière de Lara play-backant au Téléthon, je somnolais pendant le passage de Josh Groban, et le petit prince doit dormir chez moi parce que l’empereur et sa femme ont décidé de s’envoyer en l’air à l’hôtel. Mais bon, Miss France est, pour la première fois depuis très longtemps, à savoir depuis la référence Elodie Gossuin, Miss Picardie, et ça c’est une bonne chose.
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire