Je me demande ce qui a bien pu se passer dans ma tête pour que je lui demande l’heure. Il y a bien longtemps que je ne mets plus de montre à mon poignet gauche, et encore plus longtemps que je ne mets plus de montre à mon poignet droit, mais j’avais quand même mon portable dans le creux de ma poche. Il me suffisait de l’extraire, et de regarder nonchalamment les quatre chiffres indiquant l’heure, puisque je préfère l’horloge numérique à l’horloge analogique, non pas que je ne sache pas lire l’heure sur une pendule, mais je trouve qu’elle prend trop de place sur l’écran de mon portable. C’était peut-être à cause de ma forte envie de ne pas trop bouger, à moins que ce ne fut à cause de ma terrible envie d’entendre sa voix. Oui, je désirais entendre sa voix.
- - Excuse-moi, est-ce que tu as l’heure?
- - 13h30.
- - Pardon? (me rapprochant de sa bouche, pour mieux entendre)
- - 13h30.
C’est entre le sourcil droit et l’œil juste au-dessous de ce dernier qu’il a atterri. C’est au moment de l’articulation du chiffre treize, c’est-à-dire de l’écartement horizontal et fort peu naturel de la bouche, laissant plisser les yeux, que le postillon a jailli d’entre sa langue et ses dents du haut. Ce n’était pas une petite bruine, loin de là. Il devait y avoir plusieurs décilitres de salive coincée sous sa langue pour que j’en reçoive autant sur la figure. C’était un postillon énorme et violent comme une balle échappée d’un fusil, comme une éclaboussure après l’ouverture d’une canette de soda pas fraîche et bien agitée, que dis-je, comme une éjaculation récompensant cinq mois d’abstinence.
Comme je suis un garçon bien élevé, j’ai fait mine de n’avoir rien remarqué, et, bien que très dégoûté, je lui ai dit Merci.
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