Pendant longtemps j’ai refusé de faire la bise à mes camarades de classe, parce que je ne supportais pas que l’on touche mes joues (comme toute autre partie de mon corps d’ailleurs). Je n’aimais pas trop serrer la main non plus, parce que j’avais toujours l’impression que les garçons avaient les mains sales, avec de la terre ou je ne sais quelle substance organique. Aujourd’hui, je fais quelques efforts; j’ai bien compris que pour certaines personnes, recevoir un vent de ma part lorsqu’elles s’approchent de mon visage pour que je leur tende la joue était une source d’incompréhension. Pour éviter de les mettre dans l’embarras, je me contrains à faire la bise. Pour les garçons à qui je ne fais pas la bise, j’essaie de m’arranger. S’il me dégoûte vraiment, mais que c’est malgré tout une connaissance (quoique les gens qui me dégoûtent restent peu longtemps mes amis, je sélectionne), je fais tout pour l’éviter et ainsi ne pas avoir à lui serrer la main. J’aime les gens, certes, mais de loin. Tout être humain croisé quotidiennement me dégoûterait automatiquement si je devais avoir un contact cutané avec lui.
Or mardi soir, Marc-Olivier a invité l’auteur du livre On s’en lave les mains, Frédéric Saldmann. Il donne enfin la preuve que tout ce que je disais aux gens n’était pas infondé. Bien sûr, je n’ai pas l’intention d’acheter ce livre, je n’ai pas non plus que ça à faire, mais ce que j’ai retenu de l’interview est hallucinant. Si vous serrez la main de vos collègues le matin, méfiez-vous. En effet, vous avez une chance sur deux pour vous retrouvez avec de la matière fécale dans la bouche avant midi. Les crades ne se lavent pas les mains en sortant des toilettes, touchent les poignées de portes, se grattent je ne sais quoi, et vous, naïvement, vous récoltez sur les mains les impuretés qui se sont préalablement glissées sous leurs ongles dégueulasses. Et le matin, vous mangez un gâteau, vous baillez en mettant la main devant votre bouche, et les saletés atterrissent sur votre langue. C’est fameux.
J’ai voulu regarder l’interview jusqu’à la fin, et je n’aurais peut-être pas dû. Frédéric Saldmann raconte aussi dans son livre que les traversins et les oreillers sont constitués, au bout d’un an d’usage, de 50% d’acariens immondes et de leurs déjections. Réalisant que je n’étais pas fait pour la lévitation, je me suis finalement résolu à me coucher dans le lit, en faisant la grimace.
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